La CitĂ© de Dieu - Livre XXII - Bonheur des Saints Le sujet de ce livre est la fin rĂ©servĂ©e Ă la CitĂ© de Dieu, câest-Ă -dire lâĂ©ternelle fĂ©licitĂ© des saints. On y Ă©tablit la rĂ©surrection future des corps et on y explique en quoi elle consistera. Lâouvrage se termine par la description de la vie des bienheureux dans leurs corps immortels et spirituels. CHAPITRE PREMIER. DE LA CONDITION DES ANGES ET DES HOMMES. Ce dernier livre, ainsi que je lâai promis au livre prĂ©cĂ©dent, roulera tout entier sur la question de la fĂ©licitĂ© de la CitĂ© de Dieu fĂ©licitĂ© Ă©ternelle , non parce quâelle doit longtemps durer, mais parce quâelle ne doit jamais finir, selon ce qui est Ă©crit dans lâEvangile Son royaume nâaura point de fin ». La suite des gĂ©nĂ©rations humaines, dont les unes meurent pour ĂȘtre remplacĂ©es par dâautres, nâest que le fantĂŽme de lâĂ©ternitĂ©, de mĂȘme quâon dit quâun arbre est toujours vert, lorsque de nouvelles feuilles, succĂšdent Ă celles qui tombent, lui conservent toujours son ombrage. Mais la CitĂ© de Dieu sera vĂ©ritablement Ă©ternelle; car tous ses membres seront immortels, et les hommes justes y acquerront ce que les anges nây ont jamais perdu. Le Dieu tout-puissant, son fondateur, fera cette merveille; car il lâa promis, et il ne peut mentir; nous en avons pour gage tant dâautres promesses dĂ©jĂ accomplies, sans parler des merveilles accomplies sans avoir Ă©tĂ© promises. Câest lui qui, dĂšs le commencement, a créé ce monde, peuplĂ© dâĂȘtres visibles et intelligibles, tous excellents, mais entre lesquels nous ne voyons rien de meilleur que les esprits quâil a créés intelligents et capables de le connaĂźtre et de le possĂ©der, les unissant ensemble par les liens dâune sociĂ©tĂ© que nous appelons la CitĂ© sainte et cĂ©leste, oĂč le soutien de leur., existence et le principe de leur fĂ©licitĂ©, câest Dieu lui-mĂȘme qui leur sert dâaliment et de vie. Câest lui qui a donnĂ© le libre arbitre Ă cette nature intelligente, Ă condition que si elle venait Ă abandonner Dieu, source de sa bĂ©atitude, elle tomberait aussitĂŽt dans la plus profonde misĂšre. Câest lui qui, prĂ©voyant que parmi les anges quelques-uns, enflĂ©s dâorgueil, mettraient leur fĂ©licitĂ© en eux-mĂȘmes et perdraient ainsi le vrai bien, nâa pas voulu leur ĂŽter cette puissance, jugeant quâil Ă©tait plus digne de sa propre puissance et de sa bontĂ© de se bien servir du mal que de ne pas le permettre . En effet, le mal nâeĂ»t jamais Ă©tĂ©, si la nature muable, quoique bonne et créée par le Dieu suprĂȘme et immuablement bon qui a fait bonnes toutes ses oeuvres, ne sâĂ©tait elle-mĂȘme rendue mauvaise par le pĂ©chĂ©. Aussi bien son pĂ©chĂ© mĂȘme atteste son excellence primitive. Car si elle-mĂȘme nâĂ©tait un bien trĂšs-grand, quoique infĂ©rieur Ă son divin principe, la perte quâelle a faite de Dieu comme de sa lumiĂšre ne pourrait ĂȘtre un mal pour elle. De mĂȘme, en effet, que la cĂ©citĂ© est un vice de lâoeil, et que ce vice non-seulement tĂ©moigne que lâoeil a Ă©tĂ© fait pour voir la lumiĂšre, mais encore fait ressortir lâexcellence du plus noble des sens, ainsi la nature qui jouissait de Dieu nous apprend, par son dĂ©sordre mĂȘme, quâelle a Ă©tĂ© créée bonne, puisque ce qui la rend misĂ©rable, câest de ne plus jouir de Dieu. Câest lui qui a trĂšs-justement puni dâune misĂšre Ă©ternelle la chute volontaire des mauvais anges, et qui a donnĂ© aux autres, fidĂšlement attachĂ©s Ă leur souverain bien, lâassurance de ne jamais le perdre, comme prix de leur fidĂ©litĂ©. Câest lui qui a créé lâhomme dans la mĂȘme droiture que les anges, avec le mĂȘme libre arbitre, animal terrestre Ă la vĂ©ritĂ©, mais digne du ciel, sâil demeure attachĂ© Ă son crĂ©ateur; et il lâa condamnĂ© aussi Ă la misĂšre, sâil vient Ă sâen dĂ©tacher. Câest lui qui, prĂ©voyant que lâhomme pĂšcherait Ă son tour par la transgression de la loi divine et lâabandon de son Dieu, nâa pas voulu non plus lui ĂŽter la puissance du libre arbitre, parce quâil prĂ©voyait aussi le bien quâil pourrait tirer de ce mal; et en effet, sa grĂące a rassemblĂ© parmi cette race mortelle justement condamnĂ©e un si grand peuple quâelle en a pu remplir la place dĂ©sertĂ©e par les anges prĂ©varicateurs. Ainsi cette CitĂ© suprĂȘme et bien-aimĂ©e, loin dâĂȘtre trompĂ©e dans le compte de ses Ă©lus, se rĂ©jouira peut-ĂȘtre dâen recueillir une plus abondante moisson. CHAPITRE II. DE LâĂTERNELLE ET IMMUABLE VOLONTĂ DE DIEU. Les mĂ©chants, il est vrai, font beaucoup de choses qui sont contre la volontĂ© de Dieu; mais il est si puissant et si sage quâil fait aboutir ce qui paraĂźt contredire sa volontĂ© aux fins dĂ©terminĂ©es par sa prescience. Câest pourquoi, lorsquâon dit quâil change de volontĂ©, quâil entre en colĂšre, par exemple, contre ceux quâil regardait dâun oeil favorable, ce sont les hommes qui changent, et non pas lui. Leurs dispositions changeantes font quâils trouvent Dieu changĂ©. Ainsi le soleil change pour des yeux malades; il Ă©tait doux et agrĂ©able, il devient importun et pĂ©nible, et cependant il est restĂ© le mĂȘme en soi. On appelle aussi volontĂ© de Dieu celle quâil forme dans les coeurs dociles Ă ses commandements, et voilĂ le sens de ces paroles de lâApĂŽtre Câest Dieu qui opĂšre en nous le vouloir mĂȘme ». De mĂȘme que la justice de Dieu nâest pas seulement celle qui le fait juste en soi, mais encore celle quâil produit dans lâhomme justifiĂ©, ainsi la loi de Dieu est plutĂŽt la loi des hommes, mais câest Dieu .qui la leur a donnĂ©e. En effet, câest Ă des hommes que JĂ©sus-Christ disait Il est Ă©crit dans votre loi » ; et nous lisons encore autre part La loi de Dieu est gravĂ©e dans son cĆur ». On parle de cette volontĂ© que Dieu forme dans les hommes, quand on dit quâil veut ce quâen effet il ne veut pas lui-mĂȘme, mais ce quâil fait vouloir aux siens, comme on dit aussi quâil connaĂźt ce quâil fait connaĂźtre Ă lâignorance des hommes. Par exemple, quand lâApĂŽtre sâexprime ainsi Mais maintenant connaissant Dieu, ou plutĂŽt Ă©tant connus de Dieu », il ne faut pas croire que Dieu commençùt alors Ă les connaĂźtre, eux quâil connaissait avant la crĂ©ation du monde; mais il est dit quâil les connut alors, parce quâil leur donna alors le don de connaĂźtre. Jâai dĂ©jĂ touchĂ© un mot de ces locutions dans les livres prĂ©cĂ©dents. Ainsi donc, selon cette volontĂ© par laquelle nous disons que Dieu veut ce quâil fait vouloir aux autres qui ne connaissent pas lâavenir, il veut plusieurs choses quâil ne fait pas. En effet, ses saints veulent souvent, dâune volontĂ© sainte que lui-mĂȘme inspire, beaucoup de choses qui nâarrivent pas; ils prient Dieu, par exemple, en faveur de quelquâun, et ils ne sont pas exaucĂ©s, bien que ce soit lui qui les ait portĂ©s Ă prier par un mouvement du Saint-Esprit. Ainsi, quand les saints inspirĂ©s de Dieu veulent et prient que chacun soit sauvĂ©, nous pouvons dire Dieu veut et ne fait pas. Mais, si lâon parle de cette volontĂ© qui est aussi Ă©ternelle que sa prescience, il a certainement fait tout ce quâil a voulu au ciel et sur la terre, et non-seulement les choses passĂ©es ou prĂ©sentes, mais mĂȘme les choses Ă venir . Or, avant que le temps arrive oĂč il a fixĂ© lâaccomplissement des choses quâil a connues et ordonnĂ©es avant tous les temps, nous disons Cela arrivera quand Dieu voudra. Mais quand nous ignorons non-seulement Ă quelle Ă©poque une chose doit arriver, mais mĂȘme si elle doit arriver en effet, nous disons Cela arrivera si Dieu le veut. Ce nâest pas quâil doive alors survenir en Dieu une volontĂ© quâil nâavait pas, mais câest quâalors arrivera ce quâil avait prĂ©vu de toute Ă©ternitĂ© dans sa volontĂ© immuable. CHAPITRE III. DE LA PROMESSE DâUNE BĂATITUDE ĂTERNELLE POUR LES SAINTS ET DâUN SUPPLICE ĂTERNEL POUR LES IMPIES. Donc, pour ne rien dire de mille autres questions, de mĂȘme que nous voyons maintenant sâaccomplir en JĂ©sus-Christ ce que Dieu promit Ă Abraham en lui disant Toutes les nations seront bĂ©nies en vous », ainsi sâaccomplira ce quâil a promis Ă cette mĂȘme race, quand il a dit par son ProphĂšte Ceux qui Ă©taient dans les tombeaux ressusciteront »; et encore Il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle, et ils ne se souviendront plus du passĂ©, et ils en perdront entiĂšrement la mĂ©moire; mais ils trouveront en elle des sujets de joie et dâallĂ©gresse. Et voici que je ferai de JĂ©rusalem et de mon peuple une fĂȘte et une rĂ©jouissance, et je prendrai mon plaisir en JĂ©rusalem et mon contentement en mon peuple, et lâon nây entendra plus dĂ©sormais ni plaintes ni soupirs ». MĂȘme prĂ©diction par la bouche dâun autre prophĂšte En ce temps-lĂ , tout votre peuple qui se trouvera Ă©crit dans le livre sera sauvĂ©, et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussiĂšre de la terre ou, selon dâautres interprĂštes, sous un amas de terre ressusciteront les uns pour la vie Ă©ternelle, et les autres pour recevoir un opprobre et une confusion Ă©ternelle ». Et ailleurs par le mĂȘme prophĂšte Les saints du TrĂšs-Haut recevront le royaume, et ils le possĂ©deront jusque dans le siĂšcle, et jusque dans les siĂšcles des siĂšcles »; et un peu aprĂšs Et son royaume sera Ă©ternel ». Ajoutez Ă cela tant dâautres promesses semblables que jâai rapportĂ©es dans le vingtiĂšme livre , ou que jâai omises et qui se trouvent nĂ©anmoins dans lâEcriture. Tout cela arrivera comme les merveilles dont lâaccomplissement a dĂ©jĂ Ă©tĂ© un sujet dâĂ©tonnement pour les incrĂ©dules. Câest le mĂȘme Dieu qui a promis, lui devant qui tremblent les divinitĂ©s des paĂŻens, de lâaveu dâun Ă©minent philosophe paĂŻen . CHAPITRE IV. CONTRE LES SAGES DU MONDE QUI PENSENT QUE LES CORPS TERRESTRES DES HOMMES NE POURRONT ĂTRE TRANSPORTĂS DANS LE CIEL. Mais ces personnages si remplis de science et de sagesse, et en mĂȘme temps si rebelles Ă une autoritĂ© qui a soumis, comme elle lâavait annoncĂ© bien des siĂšcles Ă lâavance, tant de gĂ©nĂ©rations humaines, ces philosophes, dis-je, sâimaginent avoir trouvĂ© un argument fort dĂ©cisif contre la rĂ©surrection des corps, quand ils allĂšguent un certain passage de CicĂ©ron, au troisiĂšme livre de sa RĂ©publique. AprĂšs avoir dit quâHercule et Romulus sont devenus des dieux, dâhommes quâils Ă©taient auparavant, CicĂ©ron ajoute Mais leurs corps nâont pas Ă©tĂ© enlevĂ©s au ciel, la nature ne souffrant pas que ce qui est formĂ© de la terre subsiste autre part que dans la terre». VoilĂ le grand raisonnement de ces sages dont le Seigneur connaĂźt les pensĂ©es, et les. connaĂźt pour vaines. Car supposez que nous soyons ces esprits purs , câest-Ă -dire des esprits sans corps, habitant le ciel sans savoir sâil existe des animaux terrestres, si lâon venait nous dire quâun jour nous serons unis par un lien merveilleux aux corps terrestres pour les animer, nâaurions-nous pas beaucoup plus de sujet de nâen rien croire, et de dire que la nature ne peut souffrir quâune substance incorporelle soit emprisonnĂ©e dans un corps? Cependant la terre est pleine dâesprits Ă qui des corps terrestres sont unis par un lien mystĂ©rieux. Pourquoi donc, sâil plaĂźt Ă Dieu, qui a fait tout cela, pourquoi un corps terrestre ne pourrait-il pas ĂȘtre enlevĂ© parmi les corps cĂ©lestes, puisquâun esprit, plus excellent que tous les corps, et, par consĂ©quent, quâun corps cĂ©leste, a pu ĂȘtre uni Ă un corps terrestre ? Quoi donc! une si petite particule de terre a pu retenir un ĂȘtre fort supĂ©rieur Ă un corps cĂ©leste, afin dâen recevoir la vie et le sentiment, et le ciel dĂ©daignerait de recevoir ou ne pourrait retenir cette terre vivante et animĂ©e qui tire la vie et le sentiment dâune substance plus excellente que tout corps cĂ©leste? Si cela ne se fait pas maintenant, câest que le temps nâest pas venu, le temps, dis-je, dĂ©terminĂ© par celui-lĂ mĂȘme qui a fait une chose beaucoup plus merveilleuse, mais que lâhabitude a rendue vulgaire. Car enfin, que des esprits incorporels, plus excellents que tout corps cĂ©leste, soient unis Ă des corps terrestres, nâest-ce pas lĂ un phĂ©nomĂšne qui doit nous Ă©tonner plutĂŽt que de voir des corps, quoique terrestres, ĂȘtre Ă©levĂ©s Ă des demeures cĂ©lestes, il est vrai, mais corporelles ? Mais nous sommes accoutumĂ©s Ă voir la premiĂšre de ces merveilles, qui est nous-mĂȘmes; au lieu que nous nâavons jamais vu Lâautre, qui nâest pas encore devenue notre propre nature. Certes, si nous consultons la raison, nous trouverons quâil est beaucoup plus merveilleux de joindre des corps Ă des esprits que dâunir des corps Ă des corps, bien que ces corps soient diffĂ©rents, les uns Ă©tant cĂ©lestes et les autres terrestres. CHAPITRE V. DE LA RĂSURRECTION DES CORPS, BIEN QUE CERTAINS ESPRITS NE VEULENT PAS ADMETTRE, BIEN QUE PROCLAMĂE PAR LE MONDE ENTIER. Mais je veux que-cela ait Ă©tĂ© autrefois incroyable. VoilĂ le monde qui croit maintenant que le corps de JĂ©sus-Christ, tout terrestre quâil est, a Ă©tĂ© emportĂ© au ciel; voilĂ les doctes et les ignorants qui croient que la chair ressuscitera-et. quâelle montera au ciel; et il en est trĂšs-peu qui demeurent incrĂ©dules. Or, de deux choses lâune sâils croient une chose croyable, que ceux qui-ne la croient pas sâaccusent eux-mĂȘmes de stupiditĂ© ; et sâils croient une chose incroyable, il -nâest pas moins incroyable quâon soit portĂ© Ă croire une chose de cette espĂšce. Le mĂȘme Dieu a donc prĂ©dit ces deux choses incroyables, que les corps ressusciteraient et que le monde le croirait; et il les a prĂ©dites toutes deux, bien longtemps avant que lâune des deux arrivĂąt. De ces deux choses incroyables, nous en voyons dĂ©jĂ une accomplie, qui est que le monde croirait une chose incroyable; pourquoi dĂ©sespĂ©rerions-nous de voir lâautre, puisque celle lui est arrivĂ©e nâest pas moins difficile Ă croire? Et, si lâon y songe, la maniĂšre mĂȘme dont le monde a cru est une chose encore plus incroyable. JĂ©sus-Christ a envoyĂ© un petit nombre dâhommes sans lumiĂšres et sans politesse, Ă©trangers aux belles connaissances, ignorant les ressources de la grammaire, les armes de la dialectique, les artifices pompeux de la rhĂ©torique, en un mot de pauvres pĂ©cheurs; il les a envoyĂ©s Ă lâocĂ©an du siĂšcle avec les seuls filets de la foi, et. ils ont pris une infinitĂ© de poissons de toute espĂšce, de lâespĂšce mĂȘme la plus merveilleuse et la plus rare, je veux parler des philosophes. Ajoutez, si vous voulez, ce troisiĂšme miracle aux deux autres. VoilĂ en tout trois choses incroyables qui nĂ©anmoins sont arrivĂ©es il est incroyable que JĂ©sus-Christ soit ressuscitĂ© en sa chair, et quâavec cette mĂȘme chair il soit montĂ© au ciel; il est incroyable que le monde ait cru une chose aussi incroyable; il est incroyable enfin quâun petit nombre dâhommes de basse condition, inconnus, ignorants, aient pu persuader une chose aussi incroyable au monde et aux savants du monde. De ces trois choses incroyables, nos adversaires ne veulent pas croire la premiĂšre; ils sont contraints de voir la seconde, et ils ne sauraient la comprendre, Ă moins de croire la troisiĂšme. En effet, la rĂ©surrection de JĂ©sus-Christ, et son ascension au ciel en la chair oĂč il est ressuscitĂ©, sont choses dĂ©jĂ prĂȘchĂ©es et crues dans tout lâuni. vers; si elles ne sont pas croyables, dâoĂč vient que lâunivers les croit? Admettez quâun grand nombre de personnages illustres, doctes, puissants, aient dĂ©clarĂ© les avoir vues et se soient chargĂ©s de les publier en tout lieu, il nâest plus Ă©trange que le monde les ait crues; et en ce cas il y a bien de lâopiniĂątretĂ© Ă ne pas les croire. Mais si, comme il est vrai, le monde a cru un petit nombre dâhommes inconnus et ignorants sur leur parole, comment se fait-il quâune poignĂ©e dâincrĂ©dules entĂȘtĂ©s ne veuille pas croire ce que le monde croit? Et si le monde a cru Ă ce peu de tĂ©moins obscurs, infimes, ignorants, mĂ©prisables, câest quâen eux elle a vu paraĂźtre avec plus dâĂ©clat la majestĂ© de Dieu. Leur Ă©loquence a Ă©tĂ© toute en miracles, et non en paroles; et ceux qui nâavaient pas vu JĂ©sus-Christ ressusciter et monter au ciel avec son corps, nâont pas eu de peine Ă le croire, sur la foi de tĂ©moignages confirmĂ©s par une infinitĂ© de prodiges. En effet, des hommes qui ne pouvaient savoir au plus que deux langues, ils les entendaient parler soudain toutes les langues du monde . Ils voyaient un boiteux de naissance, aprĂšs quarante ans dâinfirmitĂ©, marcher dâun pas Ă©gal, Ă leur parole et au nom de JĂ©sus-Christ; les linges quâils avaient touchĂ©s guĂ©rissaient les malades ; et tandis que des milliers dâhommes infirmes se rangeaient sur leur passage, il suffisait que leur nombre les couvrĂźt en passant pour les rendre Ă la santĂ©. Et combien ne pourrais-je pas citer dâautres prodiges, sans parler mĂȘme des morts quâils ont ressuscitĂ©s au nom du Sauveur ! Si nos adversaires nous accordent la rĂ©alitĂ© de ces miracles, voilĂ bien des choses incroyables qui viennent sâajouter aux trois premiĂšres; et il faut ĂȘtre singuliĂšrement opiniĂątre pour ne pas croire une chose incroyable, telle que la rĂ©surrection du corps de JĂ©sus-Christ et son ascension au ciel, du moment quâelle est confirmĂ©e par tant dâautres choses non moins incroyables et pourtant rĂ©elles. Si, au contraire, ils ne-croient pas que les ApĂŽtres aient fait ces miracles pour Ă©tablir la croyance Ă la rĂ©surrection et Ă lâascension de JĂ©sus-Christ, ce seul grand miracle nous suffit, que toute la terre ait cru sans miracles. CHAPITRE VI. ROME A FAIT UN DIEU DE ROMULUS, PARCE QUâELLE AIMAIT EN LUI SON FONDATEUR; AU LIEU QUE LâĂGLISE A AIMĂ JĂSUS-CHRIST, PARCE QUâELLE LâA CRU DIEU. Rappelons ici le passage oĂč CicĂ©ron sâĂ©tonne que la divinitĂ© de Romulus ait obtenu crĂ©ance. Voici ses propres paroles Ce quâil y a de plus admirable dans lâapothĂ©ose de Romulus, câest que les autres hommes qui ont Ă©tĂ© a faits dieux vivaient dans des siĂšcles grossiers, oĂč il Ă©tait aisĂ© de persuader aux peuples tout ce quâon voulait. Mais il nây a pas encore six cents ansâ quâexistait Romulus, et dĂ©jĂ les lettres et les sciences fionsusaient depuis longtemps dans le monde, et y avaient dissipĂ© la barbarieâ ». Et un peu aprĂšs il ajoute On voit donc que Romulus a existĂ© bien des annĂ©es aprĂšs -IomĂšre, et que, les hommes commençant Ă ĂȘtre Ă©clairĂ©s, il Ă©tait difficile, dans un siĂšcle dĂ©jĂ u poli, de recourir Ă des fictions. Car lâantiquitĂ© a reçu des fables qui Ă©taient quelquefois bien grossiĂšres ; mais le siĂšcle de Romulus Ă©tait trop civilisĂ© pour rien admettre qui ne fĂ»t au moins vraisemblable ». Ainsi, voilĂ un des hommes les plus savants et les plus Ă©loquents du monde, CicĂ©ron, qui sâĂ©tonne quâon ait cru Ă la divinitĂ© de Romulus, parce que le siĂšcle oĂč-il est venu Ă©tait assez Ă©clairĂ© pour rĂ©pudier des fictions. Cependant, qui a cru que Romulus Ă©tait un dieu, sinon Rome, et encore Rome faible et -naissante-? Les gĂ©nĂ©rations suivantes furent obligĂ©es de conserver la tradition des ancĂȘtres; et, aprĂšs avoir sucĂ© cette superstition avec le lait, elles la rĂ©pandirent parmi les peuples que Rome fit passer Sous son joug. Ainsi, toutes ces nations vaincues, sans ajouter foi Ă la divinitĂ© de Romulus, ne laissaient pas de la proclamer pour ne pas offenser la maĂźtresse du monde, trompĂ©e elle-mĂȘme, sinon par amour de lâerreur, du moins par lâerreur de son amour. Combien est diffĂ©rente notre foi dans la divinitĂ© de JĂ©sus-Christ ! Il est sans doute le fondateur de la CitĂ© Ă©ternelle; mais tant sâen faut quâelle lâait cru dieu, parce quâil lâa fondĂ©e, quâelle ne mĂ©rite dâĂȘtre fondĂ©e que parce quâelle le croit dieu. Rome, dĂ©jĂ bĂątie et dĂ©diĂ©e, a Ă©levĂ© Ă son fondateur un temple oĂč elle lâa adorĂ© comme un dieu ; la nouvelle JĂ©rusalem, afin dâĂȘtre bĂątie et dĂ©diĂ©e, a pris pour base de sa foi son fondateur, JĂ©sus-Christ Dieu. La premiĂšre, par amour pour Romulus, lâa cru dieu ; la seconde, convaincue que JĂ©sus-Christ Ă©tait Dieu, lâa aimĂ©. Quelque chose a donc prĂ©cĂ©dĂ© lâamour de celle-lĂ , et lâa portĂ©e Ă croire complaisamment Ă une perfection, mĂȘme imaginaire, de celui quâelle aimait; et de mĂȘme, quelque chose a prĂ©cĂ©dĂ© la foi de celle-ci, pour lui-faire aimer sans tĂ©mĂ©ritĂ© un privilĂ©ge trĂšs-vĂ©ritable dans celui en qui elle croit. Sans parler, en effet, de tant de miracles qui ont Ă©tabli la divinitĂ© de JĂ©sus-Christ, nous avions sur lui, avant quâil ne parĂ»t sur la terrĂ©, des prophĂ©ties divines parfaitement dignes de foi et dont nous nâattendions pas lâaccomplissement, comme nos pĂšres, mais qui sont dĂ©jĂ accomplies. Il nâen est pas ainsi de Romulus. On sait par les historiens quâil a bĂąti Rome et quâil y a rĂ©gnĂ©, sans quâaucune prophĂ©tie antĂ©rieure eĂ»t rien annoncĂ© de cela. Main tenant, quâil ait Ă©tĂ© transportĂ© parmi les dieux, lâhistoire le rapporte comme une croyance, elle ne le prouve point comme un fait. Point de miracle pour tĂ©moigner de la vĂ©ritĂ© de cette apothĂ©ose. On parle dâune louve qui nourrit les deux frĂšres comme dâune grande merveille. Mais quâest-ce que cela pour prouver quâun homme est un dieu? Alors mĂȘme que cette louve aurait Ă©tĂ© Une vraie louve et non pas une courtisane , le prodige aunait Ă©tĂ© commun aux deux-frĂšres, et cependant il nây en a quâun qui passe pour un dieu. Dâailleurs, Ă qui a-t-on dĂ©fendu de croire et de dire que Romulus, Hercule et autres personnages semblables Ă©taient des dieux? Et qui a mieux aimĂ© mourir que de cacher sa foi? Ou plutĂŽt se serait-il jamais rencontrĂ© une seule nation qui eĂ»t adorĂ© Romulus sans la crainte du nom romain? Et cependant qui pourrait compter tous ceux qui ont mieux aimĂ© perdre la vie dans les plus cruels tourments que de nier la divinitĂ© de JĂ©sus-Christ? Ainsi la crainte, fondĂ©e ou non, dâencourir une lĂ©gĂšre indignation des Romains contraignait quelques peuples vaincus Ă adorer Romulus comme un dieu; et la crainte des plus horribles supplices et de la mort mĂȘme, nâa pu empĂȘcher sur toute la terre un nombre immense de martyrs, non-seulement dâadorer JĂ©sus-Christ comme un dieu, mais de le confesser publiquement. La CitĂ© de Dieu, Ă©trangĂšre encore ici-bas, mais qui avait dĂ©jĂ recrutĂ© toute une armĂ©e de peuples, nâa point alors combattu contre ses persĂ©cuteurs pour la conservation dâune vie temporelle; mais au contraire elle ne leur a point rĂ©sistĂ©, afin dâacquĂ©rir la vie Ă©ternelle. Les chrĂ©tiens Ă©taient chargĂ©s de chaĂźnes, mis en prison, battus de verges, tourmentĂ©s, brĂ»lĂ©s, Ă©gorgĂ©s, mis en piĂšces, et leur nombre augmentait . Ils ne croyaient pas combattre pour leur salut Ă©ternel, sâils ne mĂ©prisaient leur salut Ă©ternel pour lâamour du Sauveur. Je sais que CicĂ©ron, dans sa RĂ©publique, au livre huitiĂšme, si je ne me trompe, soutient quâun Etat bien rĂ©glĂ© nâentreprend jamais la guerre que pour garder sa foi ou pour veiller Ă son salut. Et CicĂ©ron explique ailleurs ce quâil entend par le salut dâun Etat, lorsquâil dit Les particuliers se dĂ©robent souvent par une prompte mort Ă la pauvretĂ©, Ă lâexil, Ă la prison, au fouet, et aux autres peines auxquelles les hommes les plus grossiers ne sont pas insensibles; mais la mort mĂȘme, qui semble affranchir de toute peine, est une peine pour un Etat, qui doit ĂȘtre constituĂ© pour ĂȘtre Ă©ternel. Ainsi la mort nâest point naturelle Ă une rĂ©publique comme elle lâest Ă un individu, qui doit non-seulement la subir malgrĂ© lui, mais souvent mĂȘme la souhaiter. Lors donc quâun Etat succombe, disparaĂźt, sâanĂ©antit, il nous est si lâon peut comparer les petites choses aux grandes, il nous est une image de la ruine et de la destruction du monde entier ». CicĂ©ron parle ainsi, parce quâil pense, avec les Platoniciens, que le monde ne doit jamais pĂ©rir. Il est donc avĂ©rĂ© que, suivant CicĂ©ron, un Etat doit entreprendre la guerre pour son salut, câest-Ă -dire pour subsister Ă©ternellement ici-bas, tandis que ceux qui le composent, naissent et meurent par une continuelle rĂ©volution comme un olivier, un laurier, ou tout autre arbre semblable, conserve toujours le mĂȘme ombrage, malgrĂ© la chute et le renouvellement de ses feuilles. La mort, selon lui, nâest pas une peine pour les particuliers, puisquâelle les dĂ©livre souvent de toute autre peine, mais elle est une peine pour un Etat. Ainsi lâon peut demander avec raison si les Sagontins firent bien dâaimer mieux que leur citĂ© pĂ©rĂźt que de manquer de foi aux Romains, car les citoyens de la citĂ© de la terre les louent de cette action. Mais je ne vois pas comment ils pouvaient suivre cette maxime de CicĂ©ron quâil ne faut entreprendre la guerre que pour sa foi ou son salut, CicĂ©ron ne disant pas ce quâil faut faire de prĂ©fĂ©rence dans le cas oĂč lâon ne pourrait conserver lâun de ces biens sans perdre lâautre. En effet, les Sagontins ne pouvaient se sauver sans trahir leur foi envers les Romains, ni garder cette foi sans pĂ©rir, comme ils pĂ©rirent en effet. Il nâen est pas de mĂȘme du salut dans la CitĂ© de Dieu on le conserve, ou plutĂŽt on lâacquiert avec ta foi et par la foi, et la perte de la foi entraĂźne celle du salut. Câest cette pensĂ©e dâun coeur ferme et gĂ©nĂ©reux qui a fait un si grand nombre de martyrs, tandis que Romulus nâen a pu avoir un seul qui ait versĂ© son sang pour confesser sa divinitĂ©. CHAPITRE VII. SI LE MONDE A CRU EN JĂSUS-CHRIST, CâEST LâOUVRAGE DâUNE VERTU DIVINE, ET NON DâUNE PERSUASION HUMAINE. Mais il est parfaitement ridicule de nous opposer la fausse divinitĂ© de Romulus, quand nous parlons de JĂ©sus-Christ. Si, dĂšs le temps de Romulus, câest-Ă -dire six cents ans avant CicĂ©ron , le monde Ă©tait dĂ©jĂ tellement Ă©clairĂ© quâil rejetait comme faux tout ce qui nâĂ©tait pas vraisemblable, combien plutĂŽt encore, au temps de CicĂ©ron lui-mĂȘme, et surtout plus tard, sous les rĂšgnes dâAuguste et de TibĂšre, Ă©poques de civilisation de plus en plus avancĂ©e, eĂ»t-on rejetĂ© bien loin la rĂ©surrection de JĂ©sus-Christ en sa chair et son ascension au ciel comme choses absolument impossibles! Il a fallu, pour ouvrir lâoreille et le coeur des hommes Ă cette croyance, que la vĂ©ritĂ© divine ou la divinitĂ© vĂ©ritable et une infinitĂ© de miracles eussent dĂ©jĂ dĂ©montrĂ© que de tels miracles pouvaient se faire et sâĂ©taient effectivement accomplis. VoilĂ pourquoi, malgrĂ© tant de cruelles persĂ©cutions, on a cru et prĂȘchĂ© hautement la rĂ©surrection et lâimmortalitĂ© de la chair, lesquelles ont dâabord paru en JĂ©sus-Christ pour se rĂ©aliser un jour en tous les hommes; voilĂ pourquoi cette croyance a Ă©tĂ© semĂ©e par toute la terre pour croĂźtre et se dĂ©velopper de plus en plus par le sang fĂ©cond des martyrs; car lâautoritĂ© des miracles venant confirmer lâautoritĂ© des prophĂ©ties, la vĂ©ritĂ© a pĂ©nĂ©trĂ© enfin dans les esprits, et lâon a vu quâelle Ă©tait plutĂŽt contraire Ă la coutume quâĂ la raison, jusquâau jour oĂč le monde entier a embrassĂ© par la foi ce quâil persĂ©cutait dans sa fureur. CHAPITRE VIII. DES MIRACLES QUI ONT ĂTĂ FAITS POUR QUE LE MONDE CRUT EN JĂSUS-CHRIST ET QUI NâONT PAS CESSĂ DEPUIS QUâIL Y CROIT. Pourquoi, nous dit-on, ces miracles qui, selon vous, se faisaient autrefois, ne se font-ils plus aujourdâhui? Je pourrais rĂ©pondre que les miracles Ă©taient nĂ©cessaires avant que le monde crĂ»t, pour le porter Ă croire, tandis quâaujourdâhui quiconque demande encore des miracles pour croire est lui-mĂȘme un grand miracle de ne pas croire ce que toute la terre croit; mais ils ne parlent ainsi que pour faire douter de la rĂ©alitĂ© des miracles. Or, dâoĂč vient quâon publie si hautement partout que JĂ©sus-Christ est montĂ© au ciel avec son corps? dâoĂč vient quâen des siĂšcles Ă©clairĂ©s, oĂč lâon rejetait tout ce qui paraissait impossible, le monde a cru sans miracles des choses tout Ă fait incroyables? Aiment-ils mieux dire quâelles Ă©taient incroyables, et que câest pour cela quâon les a crues? Que ne les croient-ils donc eux-mĂȘmes? Voici donc Ă quoi se rĂ©duit tout notre raisonnement ou bien des choses incroyables que tout le monde voyait ont persuadĂ© une chose incroyable que tout le monde ne voyait pas; ou bien cette chose Ă©tait tellement croyable quâelle nâavait pas besoin de miracles pour ĂȘtre crue, et, dans ce dernier cas, oĂč trouver une opiniĂątretĂ© plus extrĂȘme que celle de nos adversaires? VoilĂ ce quâon peut rĂ©pondre aux plus obstinĂ©s. Que plusieurs miracles aient Ă©tĂ© opĂ©rĂ©s pour assurer ce grand et salutaire miracle par lequel JĂ©sus-Christ est ressuscitĂ© et montĂ© au ciel avec son corps, câest ce que lâon ne peut nier. En effet, ils sont consignĂ©s dans les livres sacrĂ©s qui dĂ©posent tout ensemble et de la rĂ©alitĂ© de ces miracles et de la foi quâils devaient fonder. La renommĂ©e de ces miracles sâest rĂ©pandue pour donner la foi, et la foi quâils leur ont donnĂ©e ajoute Ă leur renommĂ©e un nouvel Ă©clat. On les lit aux peuples afin quâils croient, et nĂ©anmoins on ne les leur lirait pas, si dĂ©jĂ ils nâavaient Ă©tĂ© crus. Car il se fait encore des miracles au nom de JĂ©sus-Christ, soit par les sacrements, soit par les priĂšres et les reliques des saints, mais ils ne sont pas aussi cĂ©lĂšbres que les premiers. Le canon des saintes Lettres, qui devait ĂȘtre fixĂ© par lâEglise, fait connaĂźtre ces premiers miracles en tous lieux et les confie Ă la mĂ©moire des peuples. Au contraire, ceux-ci ne sont connus quâaux lieux oĂč ils se passent, et souvent Ă peine le sont-ils dâune ville entiĂšre, surtout quand elle est grande, ou dâun voisinage restreint. Ajoutez enfin que lâautoritĂ© de ceux qui les rapportent, tout fidĂšles quâils sont et sâadressant Ă des fidĂšles, nâest pas assez considĂ©rable pour ne laisser aucun doute aux bons esprits. Le miracle qui eut lieu Ă Milan jây Ă©tais alors, quand un aveugle recouvra la vue, a pu ĂȘtre connu de plusieurs; en effet, la ville est grande, lâempereur Ă©tait prĂ©sent, et ce miracle sâopĂ©ra Ă la vue dâun peuple immense accouru de tous cĂŽtĂ©s pour voir les corps des saints martyrs Gervais et Protais, qui avaient Ă©tĂ© dĂ©couverts en songe Ă lâĂ©vĂȘque Ambroise. Or, par la vertu de ces reliques, lâaveugle sentit se dissiper les tĂ©nĂšbres de ses yeux et recouvra la vue . Mais qui, Ă lâexception dâun petit nombre, a entendu parler Ă Carthage de la guĂ©rison miraculeuse dâInnocentius, autrefois avocat de la prĂ©fecture, guĂ©rison que jâai vue de mes propres yeux? CâĂ©tait un homme trĂšs-pieux, ainsi que toute sa maison, et il nous avait reçus chez lui, mon frĂšre Alype et moi, au retour de notre voyage dâoutre-mer, quand nous nâĂ©tions pas encore clercs, mais engagĂ©s cependant au service de Dieu; nous demeurions donc avec lui. Les mĂ©decins le traitaient de certaines fistules hĂ©morroĂŻdales quâil avait en trĂšs-grande quantitĂ©, et qui le faisaient beaucoup souffrir. Ils avaient dĂ©jĂ appliquĂ© le fer et usĂ© de tous les mĂ©dicaments que leur conseillait leur art. LâopĂ©ration avait Ă©tĂ© fort douloureuse et fort longue; mais les mĂ©decins, par mĂ©garde, avaient laissĂ© subsister une fistule quâils nâavaient point vue entre toutes les autres. Aussi , tandis quâils soignaient et guĂ©rissaient toutes les fistules ouvertes, celle-lĂ seule rendait leurs soins inutiles. Le malade, se dĂ©fiant de ces longueurs, et apprĂ©hendant extrĂȘmement une nouvelle incision, comme le lui avait fait craindre un mĂ©decin , son domestique, que les autres avaient renvoyĂ© au moment de lâopĂ©ration, ne voulant pas de lui, mĂȘme comme simple tĂ©moin, et que son maĂźtre, aprĂšs lâavoir chassĂ© dans un accĂšs de colĂšre, nâavait consenti Ă recevoir quâavec beaucoup de difficultĂ©, le malade, dis-je, sâĂ©cria un jour, hors de lui Est-ce que vous allez mâinciser encore? et faudra-t-il que je souffre ce que mâa prĂ©dit celui que vous avez Ă©loignĂ©? Alors ils commencĂšrent Ă se moquer de lâignorance de leur confrĂšre et Ă rassurer le malade par de belles- promesses. Cependant plusieurs jours se passent, et tout ce que lâun tentait Ă©tait inutile. Les mĂ©decins persistaient toujours Ă dire quâils guĂ©riraient cette hĂ©morroĂŻde par la force de leurs mĂ©dicaments, sans employer le fer. Ils appelĂšrent un vieux praticien, fameux par ces sortes de cures, nommĂ© Ammonius, qui, aprĂšs avoir examinĂ© le mal, en porta le mĂȘme jugement. Le malade , se croyant dĂ©jĂ hors dâaffaire, raillait le mĂ©decin domestique, sur ce quâil avait prĂ©dit quâil faudrait une nouvelle opĂ©ration. Que dirai-je de plus? AprĂšs bien des jours, inutilement reculĂ©s, ils en vinrent Ă avouer, las et confus, que le fer pouvait seul opĂ©rer la guĂ©rison. Le malade Ă©pouvantĂ©, pĂąlissant, aussitĂŽt que son extrĂȘme frayeur lui eĂ»t permis de parler, leur enjoignit de se retirer et de ne plus revenir. Cependant, aprĂšs avoir longtemps pleurĂ©, il nâeut dâautre ressource que dâappeler un certain Alexandrin, chirurgien cĂ©lĂšbre, pour faire ce quâil nâavait pas voulu que les autres fissent. Celui-ci vint donc; mais aprĂšs avoir reconnu par les cicatrices lâhabiletĂ© de ceux qui lâavaient traitĂ©, il lui conseilla, en homme de bien, de les reprendre, et de ne pas les priver du fruit de leurs efforts. Il ajouta quâInnocentius ne pouvait guĂ©rir, en effet, quâen subissant une nouvelle incision, mais quâil ne voulait point avoir lâhonneur dâune cure si avancĂ©e, et dans laquelle il admirait lâadresse de ceux qui lâavaient prĂ©cĂ©dĂ©. Le malade se rĂ©concilia donc avec ses mĂ©decins; il fut rĂ©solu quâils feraient lâopĂ©ration en prĂ©sence de lâAlexandrin, et elle fut remise par eux au lendemain. Cependant, les mĂ©decins sâĂ©tant retirĂ©s, le malade tomba dans une si profonde tristesse que toute sa maison en fut remplie de deuil, comme sâil eĂ»t dĂ©jĂ Ă©tĂ© mort. Il Ă©tait tous les jours visitĂ© par un grand nombre de personnes pieuses, et entre autres par Saturnin, dâheureuse mĂ©moire, Ă©vĂȘque dâUzali, et par GĂ©lose, prĂȘtre, ainsi que par quelques diacres de lâEglise de Carthage. De ce nombre aussi Ă©tait lâĂ©vĂȘque AurĂ©lius, le seul de tous qui ait survĂ©cu , personnage Ă©minemment respectable avec lequel nous nous sommes souvent entretenus de ce miracle de Dieu, dont il se souvenait parfaitement. Comme ils venaient, sur le soir, voir le malade, suivant leur ordinaire, il les pria de la maniĂšre la plus attendrissante dâassister le lendemain mĂȘme Ă ses funĂ©railles plutĂŽt quâĂ ses souffrances, car les incisions prĂ©cĂ©dentes lui avaient causĂ© tant de douleur quâil croyait fermement mourir entre les mains des mĂ©decins. Ceux-ci le consolĂšrent du mieux quâils purent, et lâexhortĂšrent Ă se confier Ă Dieu et Ă se soumettre Ă sa volontĂ©. Ensuite nous nous mĂźmes en priĂšre; et nous Ă©tant agenouillĂ©s et prosternĂ©s Ă terre, selon notre coutume, il sây jeta lui-mĂȘme avec tant dâimpĂ©tuositĂ© quâil semblait que quelquâun lâeĂ»t fait tomber rudement, et il commença Ă prier. Mais q ai pourrait exprimer de quelle maniĂšre, avec quelle ardeur, quels transports, quels torrents de larmes, quels gĂ©missements et quels sanglots, tellement enfin que tous ses membres tremblaient et quâil Ă©tait comme suffoquĂ©! Je ne sais si les autres priaient et. si tout cela ne les dĂ©tournait point; pour moi, je ne le pouvais faire, et je dis seulement en moi-mĂȘme ce peu de mots Seigneur, quelles priĂšres de vos serviteurs exaucerez-vous, si vous nâexaucez pas celles-ci? Il me paraissait quâon nây pouvait rien ajouter, sinon dâexpirer en priant. Nous nous levons, et, aprĂšs avoir reçu la bĂ©nĂ©diction de lâĂ©vĂȘque, nous nous retirons, le malade priant les assistants de se trouver le lendemain matin chez lui, et nous, lâexhortant Ă avoir bon courage. Le jour venu, ce jour tant apprĂ©hendĂ©, les serviteurs de Dieu arrivĂšrent, comme ils lâavaient promis. Les mĂ©decins entrent; on prĂ©pare tout ce qui est nĂ©cessaire Ă lâopĂ©ration, on tire les redoutables instruments; chacun demeure interdit et en suspens. Ceux qui avaient le plus dâautoritĂ© encouragent le malade, tandis quâon le met sur son lit dans la position la plus commode pour lâincision; on dĂ©lie les bandages, on met Ă nu la partie malade, le mĂ©decin regarde, et cherche de lâoeil et de la main lâhĂ©morroĂŻde quâil devait ouvrir. Enfin, aprĂšs avoir explorĂ© de toutes façons la partie malade, il finit par trouver une cicatrice trĂšs-ferme. Il nây a point de paroles capables dâexprimer la joie, le ravissement, et les actions de grĂąces de tous ceux qui Ă©taient prĂ©sents. Ce furent des larmes et des exclamations que lâon peut sâimaginer, mais quâil est impossible de rendre. Dans la mĂȘme ville de Carthage, Innocentia, femme trĂšs-pieuse et du rang le plus distinguĂ©, avait au sein un cancer, mal incurable, Ă ce que disent les mĂ©decins . On a coutume de couper et de sĂ©parer du corps la partie oĂč est le mal, ou, si lâon veut prolonger un peu la vie du malade, de nây rien faire; et câest, dit-on, le sentiment dâHippocrate . Cette dame lâavait appris dâun savant mĂ©decin, son ami, de sorte quâelle nâavait plus recours quâĂ Dieu. La fĂȘte de PĂąques Ă©tant proche, elle fut avertie en songe de prendre garde Ă la premiĂšre femme qui se prĂ©senterait Ă elle au sortir du baptistĂšre , et de la prier de faire le signe de la croix sur son mal. Cette femme le fit, et Innocentia fut guĂ©rie Ă lâheure mĂȘme. Le mĂ©decin qui lui avait conseillĂ© de nâemployer aucun remĂšde, si elle voulait vivre un peu plus longtemps, la voyant guĂ©rie, lui demanda vivement ce quâelle avait fait pour cela, Ă©tant bien aise sans doute dâapprendre un remĂšde quâHippocrate avait ignorĂ©. Elle lui dit ce qui en Ă©tait, non sans craindre, Ă voir son visage mĂ©fiant, quâil ne lui rĂ©pondĂźt quelque parole injurieuse au Christ Vraiment, sâĂ©cria-t-il, je pensais que vous mâalliez dire quelque chose de bien merveilleux! » Et comme elle se rĂ©voltait dĂ©jĂ Quelle grande merveille, ajouta-t-il, que JĂ©sus-Christ ait guĂ©ri un cancer au sein, lui qui a ressuscitĂ© un mort de quatre jours ? » Quand jâappris ce qui sâĂ©tait passĂ©, je ne pus supporter la pensĂ©e quâun si grand miracle, arrivĂ© dans une si grande ville, Ă une personne de si haute condition, pĂ»t demeurer cachĂ©; je fus mĂȘme sur le point de rĂ©primander cette dame. Mais quand elle mâeut assurĂ© quâelle ne lâavait point passĂ© sous silence, je demandai Ă quelques dames de ses amies intimes, qui Ă©taient alors avec elle, si elles le savaient. Elles me dirent que non. VoilĂ donc, mâĂ©criai-je, de quelle façon vous le publiez! vos meilleures amies nâen savent rien ! » Et comme elle mâavait rapportĂ© le fait trĂšs-briĂšvement, je lui en fis recommencer lâhistoire tout au long devant ces dames, qui en furent singuliĂšrement Ă©tonnĂ©es et en rendirent gloire Ă Dieu. Un mĂ©decin goutteux de la mĂȘme ville, ayant donnĂ© son nom pour ĂȘtre baptisĂ©, vit en songe, la nuit qui prĂ©cĂ©da son baptĂȘme, des petits enfants noirs et frisĂ©s quâil prit pour des dĂ©mons, et qui lui dĂ©fendirent de se faire baptiser cette annĂ©e-lĂ . Sur son refus de leur obĂ©ir, ils lui marchĂšrent sur les pieds, en sorte quâil y sentit des douleurs plus cruelles que jamais. Cela ne lâempĂȘcha point de se faire baptiser le lendemain, comme il lâavait promis Ă Dieu, et il sortit du baptistĂšre non-seulement guĂ©ri de ses douleurs extraordinaires, mais encore de sa goutte, sans quâil en ait jamais rien ressenti, quoique ayant encore longtemps vĂ©cu. Qui a entendu parler de ce miracle? Cependant nous lâavons connu, nous et un certain nombre de frĂšres Ă qui le bruit en a pu parvenir. Un ancien mime de Curube fut guĂ©ri de mĂȘme dâune paralysie et dâune hernie, et sortit du baptĂȘme comme sâil nâavait jamais rien eu. Qui connaĂźt ce miracle, hors ceux de Curube, et peut-ĂȘtre un petit nombre de personnes? Pour nous, quand nous lâapprĂźmes, nous fĂźmes venir cet homme Ă Carthage, par lâordre du saint Ă©vĂȘque AurĂ©lius, bien que nous en eussions Ă©tĂ© informĂ©s par des personnes tellement dignes de foi que nous nâen pouvions douter. HespĂ©rius, dâune famille tribunitienne, possĂšde dans notre voisinage un domaine sur les terres de Fussales , appelĂ© ZubĂ©di. Ayant reconnu que lâesprit malin tourmentait ses esclaves et son bĂ©tail, il pria nos prĂȘtres, en mon absence, de vouloir bien venir chez lui afin dâen chasser les dĂ©mons. Lâun dâeux sây rendit, et offrit le sacrifice du corps de JĂ©sus-Christ, avec de ferventes priĂšres, pour faire cesser cette possession. AussitĂŽt elle cessa par la misĂ©ricorde de Dieu. Or, HespĂ©rius avait reçu dâun de ses amis un peu de la terre sainte de JĂ©rusalem oĂč JĂ©sus-Christ fut enseveli et ressuscita le troisiĂšme jour. Il avait suspendu cette ferre dans sa chambre Ă coucher, pour se mettre lui-mĂȘme Ă lâabri des obsessions du dĂ©mon. Lorsque sa maison en fut dĂ©livrĂ©e, il se demanda ce quâil ferait de cette terre quâil ne voulait plus, par respect, garder dans sa chambre. Il arriva par hasard que mon collĂšgue Maximin, Ă©vĂȘque de Sinite, et moi, nous Ă©tions alors dans les environs. ilespĂ©rius nous fit prier de lâaller voir, et nous y allĂąmes. Il nous raconta tout ce qui sâĂ©tait passĂ©, et nous pria dâenfouir cette terre en un lieu oĂč les chrĂ©tiens pussent sâassembler pour faire le service de Dieu. Nous y consentĂźmes. Il y avait prĂšs de lĂ un jeune paysan paralytique, qui, sur cette nouvelle, pria ses parents de le porter sans dĂ©lai vers ce saint lieu ; et Ă peine y fut-il arrivĂ© et eut-il priĂ©, quâil put sâen retourner sur ses pieds, parfaitement guĂ©ri. Dans une mĂ©tairie nommĂ©e Victoriana, Ă trente milles dâHippone, il y a un monument en lâhonneur des deux martyrs de Milan, Gervais et Protais. On y porta un jeune homme qui, Ă©tant allĂ© vers midi, pendant lâĂ©tĂ©, abreuver son cheval Ă la riviĂšre, fut possĂ©dĂ© par le dĂ©mon. Comme il Ă©tait Ă©tendu mourant et semblable Ă un mort, la maĂźtresse du lieu vint sur le soir, selon sa coutume, prĂšs du monument, avec ses servantes et quelques religieuses, pour y chanter des hymnes et y faire sa priĂšre. Alors le dĂ©mon, frappĂ© et comme rĂ©veillĂ© par ces voix, saisit lâautel avec un frĂ©missement terrible, et sans oser ou sans pouvoir le remuer, il sây tenait attachĂ© et pour ainsi dire liĂ©. Puis, priant dâune voix gĂ©missante, il suppliait quâon lui pardonnĂąt, et il confessa mĂȘme comment et en quel endroit il Ă©tait entrĂ© dans le corps de ce jeune homme. A la fin, promettant dâen sortir, il en nomma toutes les parties, avec menace de les couper, quand il sortirait, et, en disant cela, il se retira de ce jeune homme. Mais lâoeil du malheureux tomba sur sa joue, retenu par une petite veine comme par une racine, et la prunelle devint toute blanche. Ceux qui Ă©taient prĂ©sents et qui sâĂ©taient mis en priĂšre avec les personnes accourues au bruit, touchĂ©s de ce spectacle et contents de voir ce jeune homme revenu Ă son bon sens, sâaffligeaient nĂ©anmoins de la perte de son oeil et disaient quâil fallait appeler un mĂ©decin. Alors le beau-frĂšre de celui qui lâavait transportĂ© prenant la parole Dieu, dit-il, qui a chassĂ© le dĂ©mon Ă la priĂšre de ces saints, peut bien aussi rendre la vue Ă ce jeune homme ». LĂ -dessus il remit comme il put lâoeil Ă sa place et le banda avec son mouchoir; sept jours aprĂšs, il crut pouvoir lâenlever, et il trouva lâoeil parfaitement guĂ©ri. Dâautres malades encore trouvĂšrent en ce lieu leur guĂ©rison; mais ce rĂ©cit nous mĂšnerait trop loin. Je connais une fille dâHippone, qui, sâĂ©tant frottĂ©e dâune huile oĂč le prĂȘtre qui priait pour elle avait mĂȘlĂ© ses larmes, fut aussitĂŽt dĂ©livrĂ©e du malin esprit. Je sais que la mĂȘme chose arriva Ă un jeune homme, la premiĂšre fois quâun Ă©vĂȘque, qui ne lâavait point vu, pria pour lui. Il y avait Ă Hippone un vieillard nommĂ© Florentius, homme pauvre et pieux, qui vivait de son mĂ©tier de tailleur. Ayant perdu lâhabit qui le couvrait et nâayant pas de quoi en acheter un autre, il courut au tombeau des Vingt. Martyrs , qui est fort cĂ©lĂšbre chez nous, et les pria de le vĂȘtir. Quelques jeunes gens qui se trouvaient lĂ par hasard, et qui avaient envie de rire, lâayant entendu, le suivirent quand il sortit et se mirent Ă le railler, comme sâil eĂ»t demandĂ© cinquante oboles aux martyrs pour avoir un habit. Mais lui, continuant toujours son chemin sans rien dire, vit un grand poisson qui se dĂ©battait sur le rivage; il le prit avec le secours de ces jeunes gens, et In vendit trois cents oboles Ă un cuisinier nommĂ© Catose, chrĂ©tien zĂ©lĂ©, Ă qui il raconta tout ce qui sâĂ©tait passĂ©. Il se disposait Ă acheter de la laine, afin que sa femme lui en fĂźt tel habit quâelle pourrait; mais le cuisinier ayant ouvert le poisson, trouva dedans une bague dâor. TouchĂ© Ă la fois de compassion et de pieux effroi, il la porta Ă cet homme, en lui disant VoilĂ comme les vingt Martyrs ont pris soin de vous vĂȘtir. LâĂ©vĂȘque Projectus ayant apportĂ© Ă Tibilis des reliques du trĂšs-glorieux martyr saint Etienne, il se fit autour du reliquaire un grand concours de peuple. Une femme aveugle des environs pria quâon la menĂąt Ă lâĂ©vĂȘque qui portait ce sacrĂ© dĂ©pĂŽt, et donna des fleurs pour les faire toucher aux reliques. Quand on les lui eut rendues, elle les porta Ă ses yeux, et recouvra tout dâun coup la vue. Tous ceux qui Ă©taient prĂ©sents furent surpris de ce miracle; mais elle, dâun air dâallĂ©gresse, se mit Ă marcher la premiĂšre devant eux et nâeut plus besoin de guide. Lucillus, Ă©vĂȘque de Sinite, ville voisine dâHippone, portait en procession les reliques du mĂȘme martyr, fort rĂ©vĂ©rĂ© en ce lieu. Une fistule, qui le faisait beaucoup souffrir et que son mĂ©decin Ă©tait sur le point dâouvrir, fut tout dâun coup guĂ©rie par lâeffet de ce pieux fardeau ; car il nâen souffrit plus dĂ©sormais. Eucharius, prĂȘtre dâEspagne, qui habitait Ă Calame , fut guĂ©ri dâune pierre, qui le tourmentait depuis longtemps, par les reliques du mĂȘme martyr, que lâĂ©vĂȘque Possidius y apporta. Le mĂȘme prĂȘtre, Ă©tant en proie Ă une autre maladie qui le mit si bas quâon le croyait mort et que dĂ©jĂ on lui avait liĂ© lĂ©s mains, revint par le secours du mĂȘme martyr. On jeta sur les reliques sa robe de prĂȘtre que lâon remit ensuite sur lui, et il fut rappelĂ© Ă la vie. Il y avait lĂ un homme fort ĂągĂ©, nommĂ© Martial, le plus considĂ©rable de la ville, qui avait une grande aversion pour la religion chrĂ©tienne. Sa fille Ă©tait chrĂ©tienne et son gendre avait Ă©tĂ© baptisĂ© la mĂȘme annĂ©e. Ceux-ci le voyant malade, le conjurĂšrent en pleurant de se faire chrĂ©tien; mais il refusa, et les chassa avec colĂšre dâauprĂšs de lui. Son gendre trouva Ă propos dâaller au tombeau de saint Etienne, pour demander Ă Dieu la conversion de son beau-pĂšre. Il pria avec beaucoup de ferveur, et, prenant quelques fleurs de lâautel, les mit sur la tĂȘte du malade, comme il Ă©tait dĂ©jĂ nuit., Le vieillard sâendormit; mais il nâĂ©tait pas jour encore quâil cria quâon allĂąt chercher lâĂ©vĂȘque qui se trouvait alors avec moi Ă Hippone. A son dĂ©faut, il fit venir des prĂȘtres, Ă qui il dit quâil Ă©tait chrĂ©tien, et qui le baptisĂšrent, au grand Ă©tonnement de fout le monde. Tant quâil vĂ©cut, il eut toujours ces mots Ă la bouche Seigneur JĂ©sus, recevez mon esprit » ; sans savoir que ces paroles, les derniĂšres quâil prononça, avaient Ă©tĂ© aussi les derniĂšres paroles de saint Etienne, quand il fut lapidĂ© par les Juifs. Deux goutteux, lâun citoyen et lâautre Ă©tranger, furent aussi guĂ©ris par le mĂȘme saint le premier fut guĂ©ri instantanĂ©ment ; le second eut une rĂ©vĂ©lation de ce quâil devait faire, quand la douleur se ferait sentir; il le fit et fut soulagĂ©. Audurus est une terre oĂč il y a une Ă©glise, et dans cette Ă©glise une chapelle dĂ©diĂ©e Ă saint Etienne. Il arriva par hasard que, pendant quâun petit enfant jouait dans la cour, des boeufs qui traĂźnaient un chariot, sortant de leur chemin, firent passer la roue sur lui et le tuĂšrent. Sa mĂšre lâemporte et le place prĂšs du lieu consacrĂ© au saint ; or, non-seulement il recouvra la vie, mais il ne parut pas mĂȘme quâil eĂ»t Ă©tĂ© blessĂ©. Une religieuse qui demeurait Ă Caspalium, terre situĂ©e dans les environs , Ă©tant fort malade et abandonnĂ©e des mĂ©decins, on porta sa robe Ă la mĂȘme chapelle ; mais la religieuse mourut avant quâon eĂ»t eu le temps de la rapporter. Cependant ses parents en couvrirent -son corps inanimĂ©, et aussitĂŽt elle ressuscita et fut guĂ©rie. A Hippone, un nommĂ© Bassus, de Syrie, priait devant les reliques du saint martyr pour sa fille, dangereusement malade ; il avait apportĂ© avec lui la robe de son enfant. Tout Ă coup ses gens accoururent pour lui annoncer quâelle Ă©tait morte. Mais quelques-uns de ses amis, quâils rencontrĂšrent en chemin, les empĂȘchĂšrent de lui annoncer cette nouvelle, de peur quâil ne pleurĂąt devant tout le monde. De retour chez lui, et quand la maison retentissait dĂ©jĂ des plaintes de ses domestiques, il jeta sur sa fille la robe quâil apportait de lâĂ©glise, et elle revint incontinent Ă la vie. Le fils dâun certain IrĂ©nĂ©us, collecteur des impĂŽts, Ă©tait mort dans la mĂȘme ville. Pendant que lâon se prĂ©parait Ă faire ses funĂ©railles, un des amis du pĂšre lui conseilla de faire frotter le corps de son fils de lâhuile du mĂȘme martyr. On le fit, et lâenfant ressuscita. Lâancien tribun Eleusinus, qui avait mis son fils, mort de maladie, sur le tombeau du mĂŽme martyr, voisin du faubourg oĂč il demeurait, le remporta vivant, aprĂšs avoir priĂ© et versĂ© des larmes pour lui. Je pourrais encore rapporter un grand nombre dâautres miracles que je connais; mais comment faire? il faut bien, comme je lâai promis, arriver Ă la fin de cet ouvrage. Je ne doute point que plusieurs des nĂŽtres qui me liront ne soient fĂąchĂ©s que jâen aie omis beaucoup quâils connaissent aussi bien que moi; mais je les prie de mâexcuser, et de considĂ©rer combien il serait long de faire ce que je suis obligĂ© de nĂ©gliger. Si je voulais rapporter seulement toutes les guĂ©risons qui ont Ă©tĂ© opĂ©rĂ©es Ă Calame et Ă Hippone par le glorieux martyr saint Etienne, elles contiendraient plusieurs volumes ; encore ne seraient-ce que celles dont on a Ă©crit les relations pour les lire au peuple. Aussi bien, câest par mes ordres que ces relations ont Ă©tĂ© dressĂ©es, quand jâai vu se faire de notre temps plusieurs miracles semblables Ă ceux dâautrefois et dont il fallait ne pas laisser perdre la mĂ©moire. Or, il nây a pas encore deux ans que les reliques de ce martyr sont Ă Hippone ; et bien quâon nâait pas donnĂ© de relation de tous les miracles qui sây sont faits, il sâen trouve dĂ©jĂ prĂšs de soixante-dix au moment oĂč jâĂ©cris ceci. Mais Ă Calame, oĂč les reliques de ce saint martyr sont depuis plus longtemps et oĂč lâon a plus de soin dâĂ©crire ces relations, le nombre en -monte bien plus haut. Nous savons encore que plusieurs miracles sont arrivĂ©s Ă Uzales, colonie voisine dâUtique, grĂące aux reliques du mĂȘme martyr, que lâĂ©vĂȘque Evodius y avait apportĂ©es, bien avant quâil y en eĂ»t Ă Hippone; mais on nâa pas coutume en ce pays dâen Ă©crire dĂšs relations, ou du moins cela ne se pratiquait pas autrefois. Peut-ĂȘtre le fait-on maintenant. Comme nous y Ă©tions, il nây a pas longtemps, une dame de haute condition, nommĂ©e PĂ©tronia, ayant Ă©tĂ© guĂ©rie miraculeusement dâune langueur qui avait Ă©puisĂ© tous les remĂšdes des mĂ©decins, nous lâexhortĂąmes, avec lâagrĂ©ment de lâĂ©vĂȘque, Ă en faire une relation qui pĂ»t ĂȘtre lue au peuple. Elle nous lâaccorda fort obligeamment et y insĂ©ra une circonstance que je ne puis nĂ©gliger ici, quoique pressĂ© de passer Ă ce qui me reste Ă dire. Elle dit quâun juif lui persuada de porter sur elle Ă nu une ceinture de cheveux oĂč serait une bague dont le chaton avait Ă©tĂ© fait dâune pierre trouvĂ©e dans les reins dâun boeuf. Cette dame, portant cette ceinture sur elle, venait Ă lâĂ©glise du saint martyr. Mais un jour partie de Carthage, comme elle sâĂ©tait arrĂȘtĂ©e dans une de ses terres sur les bords du fleuve Bagrada et quâelle se levait pour continuer son chemin, elle fut tout Ă©tonnĂ©e de voir son anneau Ă ses pieds. Elle tĂąta sa ceinture pour voir si elle ne sâĂ©tait pas dĂ©tachĂ©e, et la trouvant bien liĂ©e, elle crut que lâanneau sâĂ©tait rompu. Mais elle lâexamina, le trouva parfaitement entier, et prit ce prodige pour une assurance de sa guĂ©rison. Elle dĂ©lia donc sa ceinture et la jeta avec lâanneau dans le fleuve. Ils ne croiront pas ce miracle ceux qui ne croient pas que le Seigneur JĂ©sus-Christ soit sorti du sein de sa mĂšre sans altĂ©rer sa virginitĂ©, et quâil soit entrĂ©, toutes portes fermĂ©es, dans le lieu oĂč Ă©taient rĂ©unis ses disciples. Mais quâils sâinforment au moins du fait que je viens de citer, et sâils le trouvent vrai, quâils croient aussi le reste. Câest une dame illustre, de grande naissance, et mariĂ©e en haut lieu; elle demeure Ă Carthage. La ville est grande, et la personne connue. Il est donc impossible que ceux qui sâenquerront de ce miracle nâapprennent pas ce qui en est. Tout au moins le martyr mĂȘme, par les priĂšres duquel elle a Ă©tĂ© guĂ©rie, a cru au fils dâune vierge, Ă celui qui est entrĂ©, les portes fermĂ©es, dans le lieu oĂč Ă©taient rĂ©unis ses disciples; en un mot, et tout ce que nous disons prĂ©sentement nâest que pour en venir lĂ , il a cru en celui qui est montĂ© au ciel avec le mĂȘme corps dans lequel il est ressuscitĂ©; et si tant de merveilles sâopĂšrent par lâintercession du saint martyr, câest quâil a donnĂ© sa vie pour maintenir sa foi. Il sâaccomplit donc encore aujourdâhui beaucoup de miracles; le mĂȘme Dieu qui a fait les prodiges que nous lisons fait encore ceux-ci par les personnes quâil lui plaĂźt de choisir, et comme il lui plaĂźt. Mais ces derniers ne sont pas aussi connus, parce quâune frĂ©quente lecture ne les imprime pas dans la mĂ©moire aussi fortement que les autres. Aux lieux mĂȘmes oĂč lâon prend soin dâen Ă©crire des relations, ceux qui sont prĂ©sents, lorsquâon les lit, ne les entendent quâune fois, et il y a beaucoup dâabsents. Les personnes mĂȘmes qui les ont entendu lire ne les retiennent pas, et Ă peine sâen trouve-t-il une seule de celles-lĂ qui les rapporte aux autres. Voici un miracle qui est arrivĂ© parmi nous et qui nâest pas plus grand que ceux dont jâai fait mention ; mais il est si Ă©clatant que je ne crois pas quâil y ait Ă Hippone une personne qui ne lâait vu, ou qui nâen ait ouĂŻ parler, et qui jamais puisse lâoublier dix enfants, dont sept fils et trois filles, natifs de CĂ©sarĂ©e on Cappadoce, et dâassez bonne condition, ayant Ă©tĂ© maudits par leur mĂšre pour quelque outrage quâils lui firent aprĂšs la mort de son mari, furent miraculeusement frappĂ©s dâun tremblement de membres. Ne pouvant souffrir la confusion Ă laquelle ils Ă©taient en butte dans leur pays, ils sâen allĂšrent, chacun de leur cĂŽtĂ©, errer dans lâempire romain. Il en vint deux Ă Hippone, un frĂšre et une soeur, Paul et Palladia, dĂ©jĂ fameux en beaucoup dâendroits par leur disgrĂące ; ils y arrivĂšrent quinze jours avant la fĂȘte de PĂąques, et ils visitaient tous les jours lâEglise oĂč se trouvaient les reliques du glorieux saint Etienne, priant Dieu de sâapaiser Ă leur Ă©gard et de leur rendre la santĂ©. Partout oĂč ils allaient, ils attiraient les regards, et ceux qui les avaient vus ailleurs disaient aux autres la cause de leur tremblement. Le jour de PĂąques venu, et comme dĂ©jĂ un grand concours de peuple remplissait lâĂ©glise, le jeune homme, tenant les balustres du lieu oĂč Ă©taient les reliques du martyr, tomba tout dâun coup, et demeura par terre comme endormi , sans toutefois trembler, comme il faisait dâordinaire, mĂȘme en dormant. Cet accident Ă©tonna tout le monde, et plusieurs en furent touchĂ©s. Il sâen trouva qui voulurent le relever; mais dâautres les en empĂȘchĂšrent, et dirent quâil valait mieux attendre la fin de son sommeil. Tout Ă coup le jeune homme se releva sur ses pieds sans trembler, car il Ă©tait guĂ©ri, examinant tous ceux qui le regardaient. Qui put sâempĂȘcher alors de rendre grĂąces Ă Dieu ? Toute lâĂ©glise retentit de cris de joie, et lâon courut promptement Ă moi pour me dire lâĂ©vĂ©nement, Ă lâendroit oĂč jâĂ©tais assis, prĂȘt Ă mâavancer vers le peuple. Ils venaient lâun sur lâautre, le dernier mâannonçant cette nouvelle, comme si je ne lâavais point apprise du premier. Tandis que je me rĂ©jouissais et rendais grĂąces Ă Dieu, le jeune homme guĂ©ri entra lui-mĂȘme avec les autres, et se jeta Ă mes pieds ; je lâembrassai et le relevai. Nous nous avançùmes vers le peuple, lâĂ©glise Ă©tant toute pleine, et lâon nâentendait partout que ces mots Dieu soit bĂ©ni ! Dieu soit bĂ©ni ! Je saluai le peuple, et il recommença encore plus fort les mĂȘmes acclamations. Enfin, comme chacun eut fait silence, on lut quelques leçons de lâEcriture. Quand le moment oĂč je devais parler fut venu, je fis un petit discours, selon lâexigence du temps et la grandeur de cette joie, aimant mieux quâils goĂ»tassent lâĂ©loquence de Dieu dans une oeuvre si merveilleuse, que dans mon propre discours. Le jeune homme dĂźna avec nous, et nous raconta en dĂ©tail lâhistoire de son malheur et celle de ses frĂšres, de ses soeurs et de sa mĂšre. Le lendemain, aprĂšs le sermon, je promis au peuple de lui en lire le rĂ©cit, au jour suivant . Le troisiĂšme jour donc aprĂšs le dimanche de PĂąques, comme on faisait la lecture promise , je fis mettre le frĂšre et la soeur sur les degrĂ©s du lieu oĂč je montais pour parler, afin quâon pĂ»t les voir. Tout le peuple les regardait attentivement, lâun dans une attitude tranquille, lâautre tremblant de tous ses membres. Ceux qui ne les avaient pas vus ainsi apprenaient, par le malheur de la soeur, la misĂ©ricorde de Dieu pour le frĂšre. Ils voyaient ce dont il fallait se rĂ©jouir pour lui et ce quâil fallait demander pour elle. Quand on eut achevĂ© de lire la relation, je les fis retirer. Je commençais Ă faire quelques observations sur cette histoire, lorsquâon entendit de nouvelles acclamations qui venaient du tombeau du saint martyr. Toute lâassemblĂ©e se tourna de ce cĂŽtĂ© et sây porta en masse. La jeune fille nâavait pas plus tĂŽt descendu les degrĂ©s oĂč je lâavais fait mettre, quâelle avait couru se mettre en priĂšres auprĂšs du tombeau. A peine en eut-elle touchĂ© les balustres quâelle tomba comme son frĂšre et se releva parfaitement guĂ©rie. Or, comme nous demandions ce qui Ă©tait arrivĂ©, et dâoĂč venaient ces cris de joie, les fidĂšles rentrĂšrent avec elle dans la basilique oĂč nous Ă©tions, la ramenant guĂ©rie du tombeau du martyr. Alors il sâĂ©leva un si grand cri de joie de la bouche des hommes et des femmes, que lâon crut que les larmes et les acclamations ne finiraient point. Palladia fut conduite au mĂȘme lieu oĂč on lâavait vue un peu auparavant trembler de tous ses membres. Plus on sâĂ©tait affligĂ© de la voir moins favorisĂ©e que son frĂšre, plus on se rĂ©jouissait de la voir aussi bien guĂ©rie que lui. On glorifiait la bontĂ© de Dieu, qui avait entendu et exaucĂ© les priĂšres quâon avait Ă peine eu le temps de faire pour elle. Aussi, il sâĂ©levait de toute part de si grands cris dâallĂ©gresse quâĂ peine nos oreilles pouvaient-elles les soutenir. Quây avait-il dans le coeur de tout ce peuple si joyeux, sinon cette foi du Christ, pour laquelle saint Etienne avait rĂ©pandu son sang? CHAPITRE IX. TOUS LES MIRACLES OPĂRĂS PAR LES MARTYRS AU NOM DE JĂSUS-CHRIST SONT AUTANT DE TĂMOIGNAGES DE LA FOI QUâILS ONT EUE EN JĂSUS-CHRIST. A qui ces miracles rendent-ils tĂ©moignage, sinon Ă cette foi qui prĂȘche JĂ©sus-Christ ressuscitĂ© et montĂ© au ciel eu corps et en Ăąme? Les martyrs eux-mĂȘmes ont Ă©tĂ© les martyrs, câest-Ă -dire les tĂ©moins de cette foi câest pour elle quâils se sont attirĂ© la haine et la persĂ©cution du monde, et quâils ont vaincu, non en rĂ©sistant, mais en mourant. Câest pour elle quâils sont morts, eux qui peuvent obtenir ces grĂąces du Seigneur au nom duquel ils sont morts. Câest pour elle quâils ont souffert, afin que leur admirable patience fĂ»t suivie de ces miracles de puissance. Car sâil nâĂ©tait pas vrai que la rĂ©surrection de la chair sâest dâabord manifestĂ©e en JĂ©sus-Christ et quâelle doit sâaccomplir dans tous les hommes telle quâelle a Ă©tĂ© annoncĂ©e par ce Sauveur et prĂ©dite par les ProphĂštes, pourquoi les martyrs, Ă©gorgĂ©s pour cette foi qui prĂȘche la rĂ©surrection, ont-ils, quoique morts, un si grand pouvoir? En effet, soit que Dieu fasse lui-mĂȘme ces miracles, selon ce merveilleux mode dâaction qui opĂšre des effets temporels du sein de lâĂ©ternitĂ©, soit quâil agisse par ses ministres, et, dans ce dernier cas, soit quâil emploie le ministĂšre des esprits des martyrs, comme sâils Ă©taient encore au monde, ou celui des anges, les martyrs y interposant seulement leurs priĂšres, soit enfin quâil agisse de quelque autre maniĂšre incomprĂ©hensible aux hommes, toujours faut-il tomber dâaccord que les martyrs rendent tĂ©moignage Ă cette foi qui prĂȘche la rĂ©surrection Ă©ternelle des corps. CHAPITRE X. COMBIEN SONT PLUS DIGNES DâĂTRE HONORĂS LES MARTYRS QUI OPĂRENT DE TELS MIRACLES POUR QUE LâON ADORE DIEU, QUE LES DĂMONS QUI NE FONT CERTAINS PRODIGES QUE POUR SE FAIRE EUX-MĂMES ADORER COMME DES DIEUX. Nos adversaires diront peut-ĂȘtre que leurs dieux ont fait aussi des miracles. A merveille, pourvu quâils en viennent dĂ©jĂ Ă comparer leurs dieux aux hommes qui sont morts parmi nous. Diront-ils quâils ont aussi des dieux tirĂ©s du nombre des morts, comme Hercule, Romulus et plusieurs autres quâils croient Ă©levĂ©s au rang des dieux? Mais nous ne croyons point, nous, que nos martyrs soient des dieux, parce que nous savons que notre Dieu est le leur; et cependant, les miracles que les paĂŻens prĂ©tendent avoir Ă©tĂ© faits par les temples de leurs dieux ne sont nullement comparables Ă ceux qui se font par les tombeaux de nos martyrs. Ou sâil en est quelques-uns qui paraissent du mĂȘme ordre, nos martyrs ne laissent pas de vaincre leurs dieux, comme MoĂŻse vainquit les mages de Pharaon . En effet, les prodiges opĂ©rĂ©s par les dĂ©mons sont inspirĂ©s par le mĂȘme orgueil qui les a portĂ©s Ă vouloir ĂȘtre dieux; au lieu que nos martyrs les font, ou plutĂŽt Dieu les fait par eux et Ă leur priĂšre, afin dâĂ©tablir de plus en plus cette foi qui nous fait croire, non que les martyrs sont nos dieux, mais quâils nâont avec nous quâun mĂȘme Dieu. Enfin, les paĂŻens ont bĂąti des temples aux divinitĂ©s de leur choix, leur ont dressĂ© des autels, donnĂ© des prĂȘtres et fait des sacrifices; mais nous, nous nâĂ©levons point Ă nos martyrs des temples comme Ă des dieux, mais des tombeaux comme Ă des morts dont les esprits sont vivants devant Dieu. Nous ne dressons point dâautels pour leur offrir des sacrifices, mais nous immolons lâhostie Ă Dieu seul, qui est notre Dieu et le leur. Pendant ce sacrifice, ils sont nommĂ©s en leur lieu et en leur ordre, comme des hommes de Dieu qui, en confessant son nom, ont vaincu le monde; mais le prĂȘtre qui sacrifie ne les invoque point câest Ă Dieu quâil sacrifie et non pas Ă eux, quoiquâil sacrifie en mĂ©moire dâeux; car il est prĂȘtre de Dieu et non des martyrs. Et en quoi consiste le sacrifice lui-mĂȘme? câest le corps de JĂ©sus-Christ, lequel nâest pas offert aux martyrs, parce quâeux-mĂȘmes sont aussi ce corps. A quels miracles croira-t-on de prĂ©fĂ©rence? aux miracles de ceux qui veulent passer pour dieux, ou aux miracles de ceux qui ne les font que pour Ă©tablir la foi en la divinitĂ© de JĂ©sus-Christ? A qui se fier? Ă ceux qui veulent faire consacrer leurs crimes ou Ă ceux qui ne souffrent pas mĂȘme que lâon consacre leurs louanges, et qui veulent quâon les rapporte Ă la gloire de celui en qui on les loue? Câest en Dieu, en effet, que leurs Ăąmes sont glorifiĂ©es . Croyons donc Ă la vĂ©ritĂ© de leurs discours et Ă la puissance de leurs miracles; car câest pour avoir dit la vĂ©ritĂ© quâils ont souffert la mort, et câest la mort librement subie qui leur a valu le don des miracles. Et lâune des principales vĂ©ritĂ©s quâils ont affirmĂ©es, câest que JĂ©sus-Christ est ressuscitĂ© des morts et quâil a fait voir, en sa chair lâimmortalitĂ© de la rĂ©surrection quâil nous a promise au commencement du nouveau siĂšcle ou Ă la fin de celui-ci. CHAPITRE XI. CONTRE LES PLATONICIENS QUI PRĂTENDENT PROUVER, PAR LE POIDS DES ĂLĂMENTS, QUâUN CORPS TERRESTRE NE PEUT DEMEURER DANS LE CIEL. A cette grĂące signalĂ©e de Dieu, quâopposent ces raisonneurs dont Dieu sait que les pensĂ©es sont vaines ? Ils argumentent sur le poids des Ă©lĂ©ments. Platon, leur maĂźtre, leur a enseignĂ© en effet que deux des grands Ă©lĂ©ments du monde, et les plus Ă©loignĂ©s lâun de lâautre, le feu et la terre, sont joints et unis par deux Ă©lĂ©ments intermĂ©diaires, câest-Ă -dire par lâair et par lâeau . Ainsi, disent-ils, puisque la terre est le premier corps en remontant la sĂ©rie, lâeau le second, lâair le troisiĂšme, et le ciel le quatriĂšme, un corps terrestre ne peut pas ĂȘtre dans le ciel. Chaque Ă©lĂ©ment, pour tenir sa place, est tenu en Ă©quilibre par son propre poids . VoilĂ les arguments dont la faiblesse prĂ©somptueuse des hommes se sert pour combattre la toute-puissance de Dieu, Que font donc tant de corps terrestres dans lâair, qui est le troisiĂšme Ă©lĂ©ment au-dessus de la terre? Ă moins quâon ne veuille dire que celui qui a donnĂ© aux corps terrestres des oiseaux la facultĂ© de sâĂ©lever en lâair par la lĂ©gĂšretĂ© de leurs plumes ne pourra donner aux hommes, devenus immortels, la vertu de rĂ©sider mĂȘme au plus haut des cieux! A ce compte, les animaux terrestres qui ne peuvent voler, comme sont les hommes, devraient vivre sous la terre comme les poissons, qui sont des animaux aquatiques et vivent sous lâeau. Pourquoi un animal terrestre ne tire-t-il pas au moins sa vie du second Ă©lĂ©ment, qui est lâeau, et ne peut-il y sĂ©journer sans ĂȘtre suffoquĂ© ; et pourquoi faut-il quâil vive dans le troisiĂšme? Y a-t-il donc erreur ici dans lâordre des Ă©lĂ©ments, ou plutĂŽt nâest-ce pas leur raisonnement, et non la nature, qui est en dĂ©faut? Je ne reviendrai pas ici sur ce que jâai dĂ©jĂ dit au troisiĂšme livre , comme par exemple quâil y a beaucoup de corps terrestres pesants, tels que le plomb, auxquels lâart peut donner une certaine figure qui leur permet de nager sur lâeau. Et lâon refusera au souverain artisan le pouvoir de donner au corps humain une qualitĂ© qui lâĂ©lĂšve et le retienne dans le ciel! Il y a plus, et ces philosophes ne peuvent pas mĂȘme se servir, pour me combattre, de lâordre prĂ©tendu des Ă©lĂ©ments. Car si la terre occupe par son poids la premiĂšre rĂ©gion, si lâeau vient ensuite, puis lâair, puis le ciel, lâĂąme est au-dessus de tout cela. Aristote en fait un cinquiĂšme corps , et Platon nie quâelle soit un corps. Or, si elle est un cinquiĂšme corps, assurĂ©ment ce corps est au-dessus de tous les autres; et si elle nâest point un corps, elle les surpasse tous Ă un titre encore plus Ă©levĂ©. Que fait-elle donc dans un corps terrestre? que fait la chose la plus subtile, la plus lĂ©gĂšre, la plus active de toutes, dans une masse si grossiĂšre, si pesante et si inerte? Une nature Ă ce point excellente ne pourra-t-elle pas Ă©lever son corps dans le ciel? Et si maintenant des corps terrestres ont la vertu de retenir les Ăąmes en bas, les Ăąmes ne pourront-elles pas un jour Ă©lever en haut des corps terrestres? Passons Ă ces miracles de leurs dieux quâils opposent Ă ceux de nos martyrs, et nous verrons quâils nous justifient. Certes, si jamais les dieux paĂŻens ont fait quelque chose dâextraordinaire, câest ce que rapporte Varron dâune vestale qui, accusĂ©e dâavoir violĂ© son voeu de chastetĂ©, puisa de lâeau du Tibre dans un crible et la porta Ă ses juges, sans quâil sâen rĂ©pandĂźt une seule goutte . Qui soutenait sur le crible le poids de lâeau? qui lâempĂȘchait de fuir Ă travers tant dâouvertures? Ils rĂ©pondront que câest quelque dieu ou quelque dĂ©mon. Si câest un dieu, en est-il un plus puissant que celui qui a créé le monde? et si câest un dĂ©mon, est-il plus puissant quâun ange soumis au Dieu crĂ©ateur du monde? Si donc un dieu infĂ©rieur, ange ou dĂ©mon, a pu tenir suspendu un Ă©lĂ©ment pesant et liquide, en sorte quâon eĂ»t dit que lâeau avait changĂ© de nature, le Dieu tout-puissant, qui a créé tous les Ă©lĂ©ments, ne pourra-t-il ĂŽter Ă un corps terrestre sa pesanteur, pour quâil habite, renaissant et il plaira Ă lâesprit qui le vivifie? Dâailleurs, puisque ces philosophes- veulent que lâair soit entre le feu et lâeau, au-dessous de lâun et au-dessus de lâautre, dâoĂč vient que nous le trouvons souvent entre lâeau et lâeau, ou entre lâeau et la terre? Quâest-ce que les nuĂ©es, selon eux? de lâeau, sans doute; et cependant, ne trouve-t-on pas lâair entre elles et les mers? Par quel poids et quel ordre des Ă©lĂ©ments, des torrents dâeau, trĂšs-impĂ©tueux et trĂšs-abondants, sont-ils suspendus dans les nues, au-dessus de lâair, avant de courir au-dessous de lâair sur la terre? Et enfin, pourquoi lâair est-il entre le ciel et la terre dans toutes les parties du monde, si sa place est entre le ciel et lâeau, comme celle de lâeau est entre lâair et la terre? Bien plus, si lâordre des Ă©lĂ©ments veut, comme le dit Platon, que les deux extrĂȘmes, câest-Ă -dire le feu et la terre, soient unis par les deux autres qui sont au milieu, câest-Ă -dire lâeau et le feu, et que le feu occupe le plus haut du ciel, et la terre la plus basse partie du monde comme une sorte de fondement, de telle sorte que la terre ne puisse ĂȘtre dans le ciel, pourquoi le feu est-il sur la terre? Car enfin, dans leur systĂšme, ces deux Ă©lĂ©ments, la terre et le feu, le plus bas et le plus haut, doivent se tenir si bien, chacun Ă sa place, que ni celui qui doit ĂȘtre en bas ne puisse monter en haut, ni celui qui est en haut descendre en bas. Ainsi, puisquâĂ leur avis il ne peut y avoir la moindre parcelle de feu dans le ciel, nous ne devrions pas voir non plus la moindre parcelle de feu sur la terre. Cependant le feu est si rĂ©ellement sur la terre, et mĂȘme sous la terre, que les sommets des montagnes le vomissent; outre quâil sert sur la terre aux diffĂ©rents usages des hommes, et quâil naĂźt mĂȘme dans la terre, puisque nous le voyons jaillir du bois et du caillou, qui sont sans doute des corps terrestres. Mais le feu dâen liant, disent-ils, est un feu tranquille, pur, inoffensif et Ă©ternel, tandis que celui-ci est violent, chargĂ© de vapeur, corruptible et corrompant . Il ne corrompt pourtant pas les montagnes et les cavernes, oĂč il brĂ»le continuellement. Mais je veux quâil soit diffĂ©rent de lâautre, afin de pouvoir servir Ă nos besoins. Pourquoi donc ne veulent-ils pas que la nature des corps terrestres, devenue un jour incorruptible, puisse un jour se mettre en harmonie avec celle du ciel, comme aujourdâhui le feu corruptible sâunit avec la terre? Ils ne sauraient donc tirer aucun avantage ni du poids, ni de lâordre des Ă©lĂ©ments, pour montrer quâil est impossible au Dieu tout-puissant de modifier nos corps de telle sorte quâils puissent demeurer dans le ciel. CHAPITRE XII. CONTRE LES CALOMNIES ET LES RAILLERIES DES INFIDĂLES AU SUJET DE LA RĂSURRECTION DES CORPS. Mais nos adversaires nous pressent de questions minutieuses et ironiques sur la rĂ©surrection de la chair; ils nous demandent si les crĂ©atures avortĂ©es ressusciteront; et comme Notre-Seigneur a dit En vĂ©ritĂ©, je vous le dĂ©clare, le moindre cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira pas » ; ils nous demandent encore si la taille et la force seront Ă©gales en tous, ou si les corps seront de diffĂ©rentes grandeurs. Dans le premier cas, dâoĂč les ĂȘtres avortĂ©s, supposĂ© quâils ressuscitent, prendront-ils ce qui leur manquait en naissant? Et si lâon dit quâils ne ressusciteront pas, nâĂ©tant pas vĂ©ritablement nĂ©s, la mĂȘme difficultĂ© sâĂ©lĂšve touchant les petits enfants venus Ă terme, mais morts au berceau. En effet, nous ne pouvons pas dire que ceux qui nâont pas Ă©tĂ© seulement engendrĂ©s, mais rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s par le baptĂȘme, ne ressusciteront pas De plus, ils demandent de quelle stature seront les corps dans cette Ă©galitĂ© de tous sâils ont tous la longueur et la largeur de ceux qui ont Ă©tĂ© ici les plus grands, oĂč plusieurs prendront-ils ce qui leur manquait sur terre pour atteindre Ă cette hauteur? Autre question si, comme dit lâApĂŽtre, nous devons parvenir Ă la plĂ©nitude de lâĂąge de JĂ©sus-Christ »; si, selon le mĂȘme ApĂŽtre, Dieu nous a prĂ©destinĂ©s pour ĂȘtre rendus conformes Ă lâimage de son Fils »; si, en dâautres termes, le corps de JĂ©sus-Christ doit ĂȘtre la mesure de tous ceux qui seront dans son royaume, il faudra, disent-ils, retrancher de la stature de plusieurs hommes. Et alors comment sâaccomplira cette parole Que le moindre cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira pas?» Et au sujet des cheveux mĂȘmes, ne demandent-ils pas encore si nous aurons tous ceux que le barbier nous a retranchĂ©s? Mais dans ce cas, de quelle horrible difformitĂ© ne serions-nous pas menacĂ©s! Car ce qui arrive aux cheveux ne manquerait pas dâarriver aux ongles. OĂč serait donc alors la biensĂ©ance, qui doit avoir ses droits en cet Ă©tat bienheureux plus encore que dans cette misĂ©rable vie? Dirons-nous que tout cela ne reviendra pas aux ressuscitĂ©s? Tout cela pĂ©rira donc; et alors, pourquoi prĂ©tendre quâaucun des cheveux de notre tĂȘte ne pĂ©rira? MĂȘmes difficultĂ©s sur la maigreur et lâembonpoint car si tous les ressuscitĂ©s sont Ă©gaux, les uns ne seront plus maigres, et les autres ne seront plus gras. Il y aura Ă retrancher aux uns, Ă ajouter aux autres, Les uns gagneront ce quâils nâavaient pas, les autres perdront ce quâils avaient. On ne soulĂšve pas moins dâobjections au sujet de la corruption et de la dissolution des corps morts, dont une partie sâĂ©vanouit en poussiĂšre et une autre sâĂ©vapore dans lâair; de plus, les uns sont mangĂ©s par les bĂȘtes, les autres consumĂ©s par le feu; dâautres tombĂ©s dans lâeau par suite dâun naufrage ou autrement, se corrompent et se liquĂ©fient. Comment croire que tout cela puisse se rĂ©unir pour reconstituer un corps? â Ils se prĂ©valent encore des dĂ©fauts qui viennent de naissance ou dâaccident; ils allĂšguent les enfantements monstrueux, et demandent dâun air de dĂ©rision si les corps contrefaits ressusciteront dans leur mĂȘme difformitĂ©. RĂ©pondons-nous que la rĂ©surrection fera disparaĂźtre tous ces dĂ©fauts? ils croient nous convaincre de contradiction par les cicatrices du Sauveur que nous croyons ressuscitĂ©es avec lui. Mais voici la question la plus difficile A qui doit revenir la chair dâun homme, quand un autre homme affamĂ© en aura fait sa nourriture? Cette chair sâest assimilĂ©e Ă la substance de celui qui lâa dĂ©vorĂ©e et a rempli les vides quâavait creusĂ©s chez lui la maigreur. On demande donc si elle retournera au premier homme qui la possĂ©dait, ou Ă celui qui sâen est nourri. Câest ainsi que nos adversaires prĂ©tendent livrer au ridicule la foi dans la rĂ©surrection, sauf Ă promettre Ă lâĂąme, avec Platon, une vicissitude Ă©ternelle de vĂ©ritable misĂšre et de fausse fĂ©licitĂ© , ou Ă soutenir avec Porphyre quâaprĂšs diverses rĂ©volutions Ă travers les corps, elle verra la fin de ses misĂšres, non en prenant un corps immortel, mais en restant affranchie de toute espĂšce de corps. CHAPITRE XIII. SI LES ENFANTS AVORTĂS, ĂTANT COMPRIS AU NOMBRE DES MORTS, NE LE SERONT PAS AU NOMBRE DES RESSUSCITĂS. Je vais rĂ©pondre, avec lâaide de Dieu, aux objections que jâai mises dans la bouche de nos adversaires. Je nâoserai nier, ni assurer que les enfants avortĂ©s, qui ont vĂ©cu dans le sein de leur mĂšre et y sont morts, doivent ressusciter. Cependant je ne vois pas pourquoi, Ă©tant du nombre des morts, ils seraient exclus de la rĂ©surrection. En effet, ou bien tous les morts ne ressusciteront pas, et il y aura des Ăąmes qui demeureront Ă©ternellement sans corps, comme celles qui nâen ont eu que dans le- sein maternel; ou bien, si toutes les Ăąmes humaines reprennent les corps quâelles ont eus, en quelque lieu quâelles les aient laissĂ©s, je ne vois pas de raison pour exclure de la rĂ©surrection les enfants mĂȘme qui sont morts dans le sein de leur mĂšre. Mais Ă quelque sentiment quâon sâarrĂȘte, tout au moins faut-il leur appliquer, sâils ressuscitent, ce que nous allons dire des enfants dĂ©jĂ nĂ©s. CHAPITRE XIV. SI LES ENFANTS RESSUSCITERONT AVEC LE MĂME CORPS QUâILS AVAIENT A LâĂGE OĂ ILS SONT MORTS. Que dirons-nous donc des enfants, sinon quâils ne ressusciteront pas dans lâĂ©tat de petitesse oĂč ils Ă©taient en mourant? Ils recevront, en un instant, par la toute-puissance de Dieu, lâaccroissement auquel ils devaient parvenir avec le temps. Quand Notre-Seigneur a dit Pas un cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira »; il a entendu que nous ne perdrons rien de ce que nous avions, mais non pas que nous ne gagnerons rien de ce qui nous manquait. Or, ce qui manque Ă un enfant qui meurt, câest le dĂ©veloppement complet de son corps. Il a beau ĂȘtre parfait comme enfant, la perfection de la grandeur corporelle lui manque, et il ne lâatteindra que parvenu au terme de sa croissance. On peut dire en un sens que, dĂšs quâil est conçu, il possĂšde tout ce quâil doit acquĂ©rir il le possĂšde idĂ©alement et en puissance, mais non en fait, de mĂȘme que toutes les parties du corps humain sont contenues dans la semence, quoique plusieurs manquent aux enfants dĂ©jĂ nĂ©s, les dents, par exemple, et autres parties analogues. Câest dans cette raison sĂ©minale de la matiĂšre quâest renfermĂ© tout ce quâon ne voit pas encore, tout ce qui doit paraĂźtre un jour. Câest en elle que lâenfant, qui sera un jour petit ou grand, est dĂ©jĂ grand ou petit. Câest par elle enfin quâĂ la rĂ©surrection des corps, nous ne perdrons rien de ce que nous avions ici-bas; et dussent les hommes ressusciter tous Ă©gaux et avec une taille de gĂ©ants, ceux qui lâont eue nâen perdront rien, puisque JĂ©sus-Christ a dit Aucun cheveu de votre-tĂȘte ne pĂ©rira; et, quant aux autres, lâadmirable Ouvrier qui a tirĂ© toutes choses du nĂ©ant ne sera pas en peine de supplĂ©er Ă ce qui leur manque . CHAPITRE XV. SI LA TAILLE DE JĂSUS-CHRIST SERA LE MODĂLE DE LA TAILLE DE TOUS LES HOMMES, LORS DE LA RĂSURRECTION. Il est certain que JĂ©sus-Christ est ressuscitĂ© avec la mĂȘme stature quâil avait Ă sa mort, et ce serait se tromper que de croire quâau jour de la rĂ©surrection gĂ©nĂ©rale, il prendra, pour Ă©galer les plus hautes statures, une grandeur charnelle quâil nâavait pas, quand il apparut Ă ses disciples sous la forme qui leur Ă©tait connue. Maintenant, dirons-nous que les plus grands doivent ĂȘtre rĂ©duits Ă la mesure du Sauveur? mais alors il serait beaucoup retranchĂ© du corps de plusieurs, ce qui va contre cette parole divine Pas un cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira». Reste donc Ă dire que chacun prendra la taille quâil avait dans sa jeunesse, bien quâil soit mort vieux, ou celle quâil aurait dĂ» prendre un jour, si la mort rie lâeĂ»t prĂ©venu. Quant Ă cette mesure de lâĂąge parfait de JĂ©sus-Christ, dont parle lâApĂŽtre , ou bien il ne faut pas lâentendre Ă la lettre et dire que la mesure parfaite de ce chef mystique trouvera son accomplissement dans la perfection de ses membres; ou, si nous lâentendons de la rĂ©surrection des corps, il faut croire que les corps ne ressusciteront ni au-dessus, ni au-dessous de la jeunesse, mais dans lâĂąge et dans la force oĂč nous savons que JĂ©sus-Christ Ă©tait arrivĂ©. Les plus savants mĂȘme dâentre les paĂŻens ont fixĂ© la plĂ©nitude de la jeunesse Ă lâĂąge de trente ans environ , aprĂšs lequel lâhomme commence Ă ĂȘtre sur le retour et incline vers la vieillesse. Aussi lâApĂŽtre nâa-t-il pas dit A la mesure du corps ou de la stature; mais A la mesure de lâĂąge parfait de JĂ©sus-Christ. CHAPITRE XVI. COMMENT IL FAUT ENTENDRE QUE LES SAINTS SERONT RENDUS CONFORMES A LâIMAGE DU FILS DE DIEU. Et quand lâApĂŽtre parle de ces prĂ©destinĂ©s qui seront rendus conformes Ă lâimage du Fils de Dieu », on peut fort bien entendre quâil sâagit de lâhomme intĂ©rieur. Câest ainsi quâil est dit dans un autre endroit Ne vous conformez point au siĂšcle, mais rĂ©formez-vous par un renouvellement de votre esprit ». Câest par la mĂȘme partie de notre ĂȘtre que nous devons rĂ©former pour nâĂȘtre pas conformes au siĂšcle, que nous deviendrons conformes au Fils de Dieu. On peut encore entendre cette parole dans ce sens que, Dieu-lui-mĂȘme sâĂ©tant rendu conforme Ă nous, quand il a pris la condition mortelle, de mĂȘme nous lui serons conformes par lâimmortalitĂ©, ce qui a rapport aussi Ă la rĂ©surrection des corps. Si lâon veut expliquer ces paroles par la forme sous laquelle les corps ressusciteront, cette conformitĂ©, aussi bien que la mesure dont parle lâApĂŽtre, ne regardera que lâĂąge, et non pas la taille. Chacun donc ressuscitera aussi grand quâil Ă©tait ou quâil aurait Ă©tĂ© dans sa jeunesse, et quant Ă la forme, il importera peu que ce soit celle dâun vieillard ou dâun enfant, puisque ni lâesprit ni le corps ne seront plus sujets Ă aucune faiblesse. Si donc on sâavisait de soutenir que chacun ressuscitera dans la mĂȘme conformation des membres quâil avait Ă sa mort, il nây aurait pas lieu Ă sâengager contre lui dans une laborieuse discussion. CHAPITRE XVII. SI LES FEMMES, EN RESSUSCITANT, GARDERONT LEUR SEXE. De ces paroles JusquâĂ ce que nous par venions tous Ă lâĂ©tat dâhomme parfait, Ă la mesure de la plĂ©nitude de lâĂąge de JĂ©sus-Christ », et de celles-ci Rendus conformes Ă lâimage du Fils de Dieu », quelques-uns ont conclu que les femmes ne ressusciteront point dans leur sexe, mais dans celui de lâhomme, parce que Dieu a formĂ© lâhomme seul du limon de la terre, et quâil a tirĂ© la femme de lâhomme. Pour moi, jâestime plus raisonnable de croire Ă la rĂ©surrection de lâun et de lâautre sexe. Car il nây aura plus alors cette convoitise qui nous cause aujourdâhui de la confusion. Aussi bien, avant le pĂ©chĂ©, lâhomme et la femme Ă©taient nus, et ils nâen rougissaient pas. Le vice sera donc retranchĂ© de nos corps, mais leur nature subsistera. Or, le sexe de la femme nâest point en elle un vice; câest sa nature. Dâailleurs, il nây aura plus alors ni commerce charnel ni enfantement, et la femme sera ornĂ©e dâune beautĂ© nouvelle qui nâallumera pas la convoitise dĂ©sormais disparue, mais qui glorifiera la sagesse et la bontĂ© de Dieu, qui a fait ce qui nâĂ©tait pas, et dĂ©livrĂ© de la corruption ce quâil a fait. Il fallait, au commencement du genre humain, quâune cĂŽte fĂ»t tirĂ©e du flanc de lâhomme endormi pour en faire une femme; car câest lĂ un symbole prophĂ©tique de JĂ©sus-Christ et de son Eglise. Ce sommeil dâAdam Ă©tait la mort du Sauveur , dont le cĂŽtĂ© fut percĂ© dâune lance sur la croix, aprĂšs quâil eut rendu lâesprit; il en sortit du sang et de lâeau , lesquels figurent les sacrements, sur lesquels lâEglise est Ă©difiĂ©e » ; aussi lâEcriture sâest-elle servie de ce mot car elle ne dit pas que Dieu forma ou façonna la cĂŽte du premier homme, mais quâil lâĂ©difia en femme », dâoĂč vient que lâApĂŽtre appelle lâEglise lâĂ©difice du corps de JĂ©sus-Christ . La femme est donc la crĂ©ature de Dieu aussi bien que lâhomme, mais elle a Ă©tĂ© faite de lâhomme, pour consacrer lâunitĂ©, et elle en a Ă©tĂ© faite de cette maniĂšre pour figurer JĂ©sus-Christ et lâEglise. Celui qui a créé lâun et lâautre sexe les rĂ©tablira tous deux. Aussi JĂ©sus-Christ lui-mĂȘme quand les SadducĂ©ens, qui niaient la rĂ©surrection, lui demandĂšrent auquel des sept frĂšres appartiendrait la femme qui les avait tous eus pour maris lâun aprĂšs lâautre, chacun voulant, selon le prĂ©cepte de la loi, perpĂ©tuer la postĂ©ritĂ© de son frĂšre Vous vous trompez leur dit-il, faute de connaĂźtre les Ecriture elle pouvoir de Dieu ». Et loin de dire comme câĂ©tait le moment Que me demandez - vous? celle dont vous me parlez sera plus une femme, mais un homme, il ajouta; Car Ă la rĂ©surrection on ne se mariera point et oĂč nâĂ©pousera point; mais tous seront comme les anges de Dieu dans le ciel ». Ils seront en effet Ă©gaux aux anges pour lâimmortalitĂ© et la. bĂ©atitude, mais non quant au corps, ni quant Ă la rĂ©surrection, dont les anges nâont pas eu besoin, parce quâils nâont pas pu mourir. Notre-Seigneur a donc dit quâil nây aura point de noces Ă la rĂ©surrection, mais non pas quâil nây aura point de femmes; et il lâa dit en une occasion oĂč la rĂ©ponse naturelle Ă©tait Il nây aura point de femmes, sâil avait prĂ©vu quâil ne devait point y en avoir. Bien plus, il a dĂ©clarĂ© que la diffĂ©rence des sexes subsisterait, en disant On ne sây mariera point », ce qui regarde les femmes, et On nây Ă©pousera point », ce qui regarde les hommes. Aussi celles qui se marient ici-bas, comme ceux qui y Ă©pousent, seront Ă la rĂ©surrection; mais ils nây feront point de telles alliances. CHAPITRE XVIII. DE LâHOMME PARFAIT, CâEST-Ă -DIRE DE JĂSUS-CHRIST, ET DE SON CORPS, CâEST-A-DIRE DE LâĂGLISE, QUI EN EST LA PLĂNITUDE. Pour comprendre ce que dit lâApĂŽtre, que nous parviendrons tous Ă lâĂ©tat dâhomme parfait, il faut examiner avec attention toute la suite de sa pensĂ©e. Il sâexprime ainsi Celui qui est descendu est celui-lĂ mĂȘme qui est montĂ© au-dessus de tous les cieux, afin de consommer toutes choses. Lui-mĂȘme en a Ă©tabli quelques-uns apĂŽtres, dâautres prophĂštes, ceux-ci Ă©vangĂ©listes, ceux-lĂ pasteurs et docteurs, pour la consommation des saints, lâoeuvre du ministĂšre et lâĂ©difice du corps de JĂ©sus-Christ, jusquâĂ ce que nous parvenions tous Ă lâunitĂ© dâune mĂȘme foi, Ă la connaissance du Fils de Dieu, Ă lâĂ©tat dâhomme parfait et Ă la mesure de la plĂ©nitude de lâĂąge de JĂ©sus-Christ, afin que nous ne soyons plus comme des enfants, nous laissant aller Ă tout vent de doctrine et aux illusions des hommes fourbes qui veulent nous engager dans lâerreur, mais que, pratiquant la vĂ©ritĂ© parla charitĂ©, nous croissions en toutes choses dans JĂ©sus-Christ, qui est la tĂȘte. dâoĂč tout le corps bien liĂ© et bien disposĂ© reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le dĂ©veloppement nĂ©cessaire pour sâĂ©difier soi-mĂȘme dans la charitĂ© ». VoilĂ quel est lâhomme parfait la tĂȘte dâabord, puis le corps composĂ© de tous les membres, qui recevront la derniĂšre perfection en leur temps. Chaque jour cependant, de nouveaux Ă©lĂ©ments se joignent Ă ce corps, tandis que sâĂ©difie lâEglise Ă qui lâon dit Vous ĂȘtes le corps de JĂ©sus-Christ et ses membres » ; et ailleurs Pour son corps qui est lâEglise » ; et encore Nous ne sommes- tous ensemble quâun seul pain et quâun seul corps ». Câest de lâĂ©difice de ce corps quâil est dit ici Pour la consommation des saints, pour lâoeuvre du ministĂšre et lâĂ©difice du corps de JĂ©sus-Christ ». Puis lâApĂŽtre ajoute ce passage dont il est question JusquâĂ ce que nous parvenions tous Ă lâunitĂ© dâune mĂȘme foi, Ă la connaissance du Fils de Dieu, Ă lâĂ©tat dâhomme parfait et Ă la mesure de la plĂ©nitude de lâĂąge de JĂ©sus-Christ »; et le reste, montrant enfin de quel corps on doit entendre cette mesure par ces paroles; Afin que nous croissions en toutes tout le corps bien liĂ© et bien disposĂ© reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le dĂ©veloppement qui lui convient». Comme il y a une mesure de chaque partie, il y en a aussi une de tout le corps, composĂ© de toutes ces parties; et câest la mesure de la plĂ©nitude dont il est dit A la mesure de la plĂ©nitude de lâĂąge de JĂ©sus-Christ». LâApĂŽtre fait encore mention de cette plĂ©nitude, lorsque, parlant de JĂ©sus-Christ, il dit ; Il lâa Ă©tabli pour ĂȘtre le chef de toute IâEglise, qui est son corps et sa plĂ©nitude, lui qui consomme tout en tous ».Mais, lors mĂȘme quâil faudrait entendre le passage dont il sâagit de la rĂ©surrection, qui nous empĂȘcherait dâappliquer aussi Ă la femme ce quâil dit de lâhomme, en prenant lâhomme pour tous les deux, comme dans ce verset du Psaume Bienheureux lâhomme qui craint le Seigneur ! » Car assurĂ©ment les femmes qui craignent le Seigneur sont comprises dans la pensĂ©e du Psalmiste. CHAPITRE XIX. TOUS LES DĂFAUTS CORPORELS, QUI, PENDANT CETTE VIE, SONT CONTRAIRES Ă LA BEAUTĂ DE LâHOMME, DISPARAĂTRONT A LA RĂSURRECTION, LA SUBSTANCE NATURELLE DU CORPS TERRESTRE DEVANT SEULE SUBSISTER, MAIS AVEC DâAUTRES PROPORTIONS DâUNE JUSTESSE ACCOMPLIE. Est-il besoin de rĂ©pondre maintenant aux objections tirĂ©es des ongles et des cheveux? Si lâon a bien compris une fois quâil ne pĂ©rira rien de notre corps, afin quâil nâait rien de difforme, on comprendra aussi aisĂ©ment que ce qui ferait une monstrueuse Ă©normitĂ© sera distribuĂ© dans toute la masse du corps, et non pas accumulĂ© Ă une place oĂč la proportion des membres en serait altĂ©rĂ©e. Si, aprĂšs avoir fait un vase dâargile, on le voulait dĂ©faire pour en recomposer un vase nouveau, il ne serait pas nĂ©cessaire que cette portion de terre qui formait lâanse ou le fond dans le premier vase, les formĂąt aussi dans le second; il suffirait que toute lâargile y fĂ»t employĂ©e. Si donc les ongles et les cheveux, tant de fois coupĂ©s, ne peuvent revenir Ă leur place quâen produisant une difformitĂ©, ils nây reviendront pas. Cependant ils ne seront pas anĂ©antis, parce quâils seront changĂ©s en la mĂȘme chair Ă laquelle ils appartenaient, afin dây occuper une place oĂč ils ne troublent pas lâĂ©conomie gĂ©nĂ©rale des parties. Je ne dissimule pas, au surplus, que cette parole du Seigneur Pas un cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira », ne paraisse sâappliquer plutĂŽt au nombre des cheveux quâĂ leur longueur. Câest dans ce sens quâil a dit aussi Tous les cheveux de votre tĂȘte sont comptĂ©s ». Je ne crois donc pas que rien doive pĂ©rir de notre corps de tout ce qui lui Ă©tait naturel; je veux seulement montrer que tout ce qui en lui Ă©tait dĂ©fectueux, et servait Ă faire voir la misĂšre de sa condition, sera rendu Ă sa substance transfigurĂ©e, le fond de lâĂȘtre restant tout entier, tandis que la difformitĂ© seule pĂ©rira. Si un artisan ordinaire, qui a mal fait une statue, peut la refondre si bien quâil en conserve toutes les parties, sans y laisser nĂ©anmoins ce quâelle avait de difforme, que ne faut-il pas attendre, je le demande, du suprĂȘme Artisan? Ne pourra-t-il ĂŽter et retrancher aux corps des hommes toutes les difformitĂ©s naturelles ou monstrueuses, qui sont une condition de cette vie misĂ©rable, mais qui ne peuvent convenir Ă la fĂ©licitĂ© future des saints, comme ces accroissements naturels sans doute, mais cependant disgracieux, de notre corps, sans rien enlever pour cela de sa substance? Il ne faut point dĂšs lors que ceux qui ont trop ou trop peu dâembonpoint apprĂ©hendent dâĂȘtre au sĂ©jour cĂ©leste ce quâils ne voudraient pas ĂȘtre, mĂȘme ici-bas. Toute la beautĂ© du corps consiste, en effet, en une certaine proportion de ses parties, couvertes dâun coloris agrĂ©able. Or, quand cette proportion manque, ce qui choque la vue, câest quâil y a quelque chose qui fait dĂ©faut, ou quelque chose dâexcessif. Ainsi donc, cette difformitĂ© qui rĂ©sulte de la disproportion des parties du corps disparaĂźtra, lorsque le CrĂ©ateur, par des moyens connus de lui, supplĂ©era Ă ce qui manque ou ĂŽtera le superflu. Et quant Ă la couleur des chairs, combien na sera-t-elle pas vive et Ă©clatante en ce sĂ©jour oĂč Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur pĂšre ?» Il faut croire que JĂ©sus-Christ dĂ©roba cet Ă©clat aux yeux de ses disciples, quand il parut devant eux aprĂšs sa rĂ©surrection; car ils nâauraient pu le soutenir, et cependant ils avaient besoin de regarder leur maĂźtre pour le reconnaĂźtre. Câest pour cette raison quâil leur fit toucher ses cicatrices, quâil but et mangea avec eux, non par nĂ©cessitĂ©, mais par puissance. Quand on ne voit pas un objet prĂ©sent, tout en voyant dâautres objets Ă©galement prĂ©sents, comme il arriva aux disciples qui ne virent pas alors lâĂ©clat du visage de JĂ©sus-Christ, quoique prĂ©sent, et qui pourtant voyaient dâautres choses, les Grecs appellent cet Ă©tat aorasia mot que les Latins ont traduit dans la GenĂšse par caecitas, faute dâun autre Ă©quivalent. Câest lâaveuglement dont les Sodomites furent frappĂ©s, lorsquâils cherchaient la porte de Loth sans pouvoir la trouver. En effet, si câeĂ»t Ă©tĂ© chez eux une vĂ©ritable cĂ©citĂ©, comme celle qui empĂȘche de rien voir, ils nâauraient point cherchĂ© la porte pour entrer, mais des guides pour les ramener , Or, je ne sais comment, lâaffection que nous avons pour les bienheureux martyrs nous fait dĂ©sirer de voir dans le ciel les cicatrices des plaies quâils ont reçues pour le nom de JĂ©sus-Christ, et peut-ĂȘtre les verrons-nous. Ce ne sera pas une difformitĂ© dans leur corps, mais une marque dâhonneur, qui donnera de lâĂ©clat, non point Ă leur corps, mais Ă icuz gloire. Il ne faut pas croire toutefois que les membres quâon leur aura coupĂ©s leur manqueront Ă la rĂ©surrection, eux Ă qui il a Ă©tĂ© dit Pas un cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira ». Mais, sâil est Ă propos quâon voie, dans le siĂšcle nouveau, ces marques glorieuses de leur martyre gravĂ©es jusque dans leur chair immortelle, on doit penser que les endroits oĂč ils auront Ă©tĂ© blessĂ©s ou mutilĂ©s conserveront seulement une cicatrice, en sorte quâils ne laisseront pas de recouvrer les membres quâils avaient perdus. La foi nous assure, il est vrai, que dans lâautre vie aucun des dĂ©fauts de notre corps ne paraĂźtra plus; mais ces marques de vertu ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des dĂ©fauts . CHAPITRE XX. AU JOUR DE LA RĂSURRECTION, LA SUBSTANCE DE NOTRE CORPS, DE QUELQUE MANIĂRE QUâELLE AIT ĂTĂ DISSIPĂE, SERA RĂUNIE INTĂGRALEMENT. Loin de nous la crainte que la toute-puissance du CrĂ©ateur ne puisse rappeler, pour ressusciter les corps, toutes les parties qui ont Ă©tĂ© dĂ©vorĂ©es par les bĂȘtes, ou consumĂ©es par le feu, ou changĂ©es en poussiĂšre, ou dissipĂ©es dans lâair ! Loin de nous la pensĂ©e que rien soit tellement cachĂ© dans le sein de la nature, quâil puisse se dĂ©rober Ă la connaissance ou au pouvoir du CrĂ©ateur ! CicĂ©ron, dont lâautoritĂ© est si grande pour nos adversaires, voulant dĂ©finir Dieu autant quâil en est capable Câest, dit-il, un esprit libre et indĂ©pendant, dĂ©gagĂ© de toute composition mortelle, qui connaĂźt et meut toutes choses, et qui a lui-mĂȘme un mouvement Ă©ternel », CicĂ©ron sâinspire ici des plus grands philosophes . HĂ© bien ! pour parler selon leur sentiment, peut-il y avoir une chose qui reste inconnue Ă celui qui connaĂźt tout, ou qui se dĂ©robe pour jamais Ă celui qui meut tout? Ceci me conduit Ăą rĂ©pondre Ă cette question qui paraĂźt plus difficile que toutes les autres Ă qui, lors de la rĂ©surrection, appartiendra la chair dâun homme mort, devenue celle dâun homme vivant? Supposez, en effet, quâun malheureux, pressĂ© par la faim, mange de la chair dâun homme mort, et câest lĂ une extrĂ©mitĂ© que nous rencontrons quelquefois dans lâhistoire et dont nos misĂ©rables temps fournissent aussi plus dâun exemple, peut-on soutenir avec quelque raison que toute cette substance ait disparu par les sĂ©crĂ©tions et quâil ne sâen soit assimilĂ© aucune partie Ă la chair de celui qui sâen est nourri, alors que lâembonpoint quâil a recouvrĂ© montre assez quelles ruines il a rĂ©parĂ©es par ce triste secours? Mais jâai dĂ©jĂ indiquĂ© plus haut le moyen de rĂ©soudre cette difficultĂ©; car toutes les chairs que la faim a consommĂ©es se sont Ă©vaporĂ©es dans lâair, et nous avons reconnu que la toute-puissance de Dieu en peut rappeler tout ce qui sây est Ă©vanoui. Cette chair mangĂ©e sera donc rendue Ă celui en qui elle a dâabord commencĂ© dâĂȘtre une chair humaine, puisque lâautre ne lâa que dâemprunt, et câest comme un argent prĂȘtĂ© quâil doit rendre. La sienne, que la faim avait amaigrie, lui sera rendue par celui qui peut rappeler Ă son grĂ© tout ce qui a disparu; et alors mĂȘme quâelle serait tout Ă fait anĂ©antie et quâil nâen serait rien restĂ© dans les plus secrets replis de la nature, le Dieu tout-puissant saurait bien y supplĂ©er par quelque moyen. La VĂ©ritĂ© ayant dĂ©clarĂ© que pas un cheveu de votre tĂȘte ne pĂ©rira u, il serait absurde de penser quâun cheveu ne puisse se perdre, et que tant de chairs dĂ©vorĂ©es ou consumĂ©es par la faim pussent pĂ©rir. De toutes ces questions que nous avons traitĂ©es et examinĂ©es selon notre faible pouvoir, il rĂ©sulte que les corps auront, Ă la rĂ©. surrection, la mĂȘme taille quâils avaient dans leur jeunesse, avec la beautĂ© et la proportion de tous leurs membres. Il est assez vraisemblable que, pour garder cette proportion, Dieu distribuera dans toute la masse du corps ce qui, placĂ© en un seul endroit, serait disgracieux, et quâainsi il pourra mĂȘme ajouter quelque chose Ă notre stature. Que si lâon prĂ©tend que chacun ressuscitera dans la mĂȘme stature quâil avait Ă la mort, Ă la bonne heure, pourvu quâon bannisse toute difformitĂ©, toute faiblesse, toute pesanteur, toute corruption, et enfin tout autre dĂ©faut contraire Ă la beautĂ© de ce royaume, oĂč les enfants de la rĂ©surrection et de la promesse seront Ă©gaux aux anges de Dieu, sinon pour le corps et pour lâĂąge, au moins pour la fĂ©licitĂ©. CHAPITRE XXI. DU CORPS SPIRITUEL EN QUI SERA RENOUVELĂE ET TRANSFORMĂE LA CHAIR DES BIENHEUREUX. Tout ce qui sâest perdu des corps vivants ou des cadavres aprĂšs la mort sera dĂšs lors rĂ©tabli avec ce qui est demeurĂ© dans les tombeaux, et ressuscitera en un corps nouveau et spirituel, revĂȘtu dâincorruptibilitĂ© et dâimmortalitĂ©. Mais alors mĂȘme que , par quelque fĂącheux accident ou par la cruautĂ© de mains ennemies, un corps humain serait entiĂšrement rĂ©duit en poudre, et que, dissipĂ© en air et en eau, il ne se trouverait pour ainsi dire nulle part, il ne pourra nĂ©anmoins ĂȘtre soustrait Ă la toute-puissance du CrĂ©ateur, et pas un cheveu de sa tĂȘte ne pĂ©rira. La chair devenue spirituelle sera donc soumise Ă lâesprit; mais ce sera une chair nĂ©anmoins, et non un esprit, tout comme quand lâesprit devenu charnel a Ă©tĂ© soumis Ă la chair, il reste un esprit, et non pas une chair. Nous avons donc de cela ici-bas une expĂ©rience qui est un effet de la peine du pĂ©chĂ©. En effet, ceux-lĂ nâĂ©taient pas charnels selon la chair, mais selon lâesprit, Ă qui lâApĂŽtre disait Je nâai pu vous parler comme Ă des hommes spirituels, mais comme Ă des personnes qui sont encore charnelles ». Et lâhomme spirituel, en cette mortelle vie, ne laisse pas dâĂȘtre encore charnel selon le corps, et de voir en ses membres une loi qui rĂ©siste Ă la loi de son esprit. Mais il sera spirituel, mĂȘme selon le corps, lorsque la chair sera ressuscitĂ©e et que cette parole de saint Paul se trouvera accomplie Le corps est semĂ© animal, et il ressuscitera spirituel », Or, quelles seront les perfections de ce corps spirituel ? Comme nous nâen avons pas encore lâexpĂ©rience, jâaurais peur quâil nây eĂ»t de la tĂ©mĂ©ritĂ© Ă en parler. Toutefois, puisquâil y va de la gloire de Dieu de ne pas cacher la joie quâallume en nous lâespĂ©rance, et que le Psalmiste, dans les plus violents transports dâun saint et ardent amour, sâĂ©crie Seigneur, jâai aimĂ© la beautĂ© de votre maison ! » tĂąchons, avec son aide, de conjecturer, par les grĂąces quâil fait aux bons et aux mĂ©chants en cette vie de misĂšre, combien doit ĂȘtre grande celle dont nous ne pouvons parler dignement, faute de lâavoir Ă©prouvĂ©e. Je laisse Ă part ce temps oĂč Dieu crĂ©a lâhomme droit; je laisse Ă part la vie bienheureuse de ce couple fortunĂ© dans les dĂ©lices du paradis terrestre, puisquâelle fut si courte que leurs enfants nâeurent pas le bonheur de la goĂ»ter. Je ne parle que de cette condition misĂ©rable que nous connaissons, en laquelle nous sommes, qui est exposĂ©e Ă une infinitĂ© de tentations, ou, pour mieux dire, qui nâest quâune tentation continuelle, quelques progrĂšs que nous fassions dans la vertu. HĂ© bien ! qui pourrait compter encore tous les tĂ©moignages que Dieu y donne aux hommes de sa bontĂ©? CHAPITRE XXII. DES MISĂRES ET DES MAUX DE CETTE VIE, QUI SONT DES PEINES DU PĂCHĂ DU PREMIER HOMME, ET DONT ON NE PEUT ĂTRE DĂLIVRĂ QUE PAR LA GRĂCE DE JĂSUS-CHRIST. Que toute la race des hommes ait Ă©tĂ© condamnĂ©e dans sa premiĂšre origine, cette vie mĂȘme, sâil faut lâappeler une vie, le tĂ©moigne assez par les maux innombrables et cruels dont elle est remplie. En effet, que veut dire cette profonde ignorance oĂč naissent les enfants dâAdam, principe de toutes leurs erreurs, et dont ils ne peuvent sâaffranchir sans le travail, la douleur et la crainte? Que signifient tant dâaffections vaines et nuisibles dâoĂč naissent les cuisants soucis, les inquiĂ©tudes, les tristesses , les craintes, les fausses joies , les querelles, les procĂšs, les guerres, les trahisons, les colĂšres, les inimitiĂ©s, les tromperies, la fraude, la flatterie, les larcins, les rapines, la perfidie, lâorgueil, lâambition, lâenvie, les homicides, les parricides, la cruautĂ©, lâinhumanitĂ©, la mĂ©chancetĂ©, la dĂ©bauche, lâinsolence, lâimpudence, lâimpudicitĂ©, les fornications, les adultĂšres, les incestes, les pĂ©chĂ©s contre nature de lâun et de lâautre sexe, et tant dâautres impuretĂ©s quâon nâoserait seulement nommer sacrilĂ©ges, hĂ©rĂ©sies, blasphĂšmes, parjures, oppression des innocents, calomnies, surprises, prĂ©varications, faux tĂ©moignages, jugements injustes , violences brigandages, et autres malheurs semblable que ne saurait embrasser la pensĂ©e, mais qu remplissent et assiĂ©gent la vie ? Il est vrai que ces crimes sont lâoeuvre des mĂ©chants ; mais ils ne laissent pas de venir tous de cette ignorance et de cet amour dĂ©rĂ©glĂ©, comme dâune racine que tous les enfants dâAdam portent en eux en naissant. Qui en effet, ignore dans quelle ignorance manifeste chez les enfants, et dans combien de passions qui se dĂ©veloppent au sortir mĂȘme de lâenfance, lâhomme vient au monde ! Certes, si on le laissait vivre Ă sa guise et faire ce qui lui plairait, il nâest pas un des crimes que jâai nommĂ©s, sans parler de ceux que je nâai pu nommer, oĂč on ne le vĂźt se prĂ©cipiter. Mais, par un conseil de la divine Providence, qui nâabandonne pas tout Ă fait ceux quâelle a condamnĂ©s, et qui, malgrĂ© sa colĂšre, nâarrĂȘte point le cours de ses misĂ©ricordes , la loi et lâinstruction veillent contre ces tĂ©nĂšbres et ces convoitises dans lesquelles nous naissons. Bienfait inestimable, mais qui ne sâopĂšre point sans peines et sans douleurs. Pourquoi, je vous le demande, toutes ces menaces que lâon fait aux enfants, pour les retenir dans le devoir? pourquoi ces maĂźtres, ces gouverneurs, ces fĂ©rules, ces fouets, ces verges dont lâEcriture dit quâil faut souvent se servir envers un enfant quâon aime, de peur quâil ne devienne incorrigible et indomptable ? pourquoi toutes ces peines, sinon pour vaincre lâignorance et rĂ©primer la convoitise, deux maux qui avec nous entrent dans le monde ? DâoĂč vient que nous avons de la peine Ă nous souvenir dâune chose, et que nous lâoublions sans peine ; quâil faut beaucoup de travail pour apprendre, et point du tout pour ne rien savoir ; quâil en coĂ»te tant dâĂȘtre diligent, et si peu dâĂȘtre paresseux? Cela ne dĂ©note-t-il pas clairement Ă quoi la nature corrompue se porte par le poids de ses inclinations, et de quel secours elle a besoin pour sâen relever? La paresse, la nĂ©gligence, la lĂąchetĂ©, la fainĂ©antise, sont des vices qui fuient le travail, tandis que le travail mĂȘme, tout bienfaisant quâil puisse ĂȘtre, est une peine. Mais outre les peines de lâenfance, sans lesquelles rien ne peut sâapprendre de ce que veulent les parents, qui veulent rarement quelque chose dâutile, oĂč est la parole capable dâexprimer, oĂč est la pensĂ©e capable de comprendre toutes celles oĂč les hommes sont sujets et qui sont insĂ©parables de leur triste condition ? Quelle apprĂ©hension et quelle douleur ne nous causent pas, et la mort des personnes qui nous sont chĂšres, et la perte des biens, et les condamnations, et les supercheries des hommes, et les faux soupçons, et toutes les violences que lâon peut avoir Ă souffrir, comme les brigandages, les captivitĂ©s, les fers, la prison, lâexil, les tortures, les mutilations, les infamies et les brutalitĂ©s, et mille autres souffrances horribles qui nous accablent incessamment? A ces maux ajoutez une multitude dâaccidents auxquels les hommes ne contribuent pas le chaud, le froid, les orages, les inondations, les foudres, la grĂȘle, les tremblements de terre, les chutes de maison, les venins des herbes, des eaux, de lâair ou des animaux, les morsures des bĂȘtes, ou mortelles ou incommodes., la rage dâun chien, cet animal naturellement ami de lâhomme, devenu alors plus Ă craindre que les lions et les dragons, et qui rend un homme quâil a mordu plus redoutable aux siens que les bĂȘtes les plus farouches. Que ne souffrent point ceux qui voyagent sur mer et sur terre? Qui peut se dĂ©placer sans sâexposer Ă quelque accident imprĂ©vu ? Un homme qui se portait fort bien, revenant chez lui, tombe, se rompt la jambe et meurt . Le moyen dâĂȘtre, en apparence, plus en sĂ»retĂ© quâun homme assis dans sa chaise ! HĂ©li tombe de la sienne et se tue . Quels accidents les laboureurs, ou plutĂŽt tous les hommes, ne craignent-ils pas pour les biens de la campagne, tarit du cĂŽtĂ© du ciel et de la terre que du cĂŽtĂ© des animaux? Ils ne sont assurĂ©s de la moisson que quand elle est dans la grange, et toutefois nous en savons qui lâont perdue, mĂȘme quand elle y Ă©tait, par des tempĂȘtes et des inondations. Qui se peut assurer sur son innocence dâĂȘtre Ă couvert des insultes des dĂ©mons, puisquâon les voit quelquefois tourmenter dâune façon si cruelle les enfants nouvellement baptisĂ©s, que Dieu, qui le permet ainsi, nous apprend bien par lĂ Ă dĂ©plorer la misĂšre de cette vie et Ă dĂ©sirer la fĂ©licitĂ© de lâautre? Que dirai-je des maladies, qui sont en si grand nombre que mĂȘme les livres des mĂ©decins ne les contiennent pas toutes? la plupart des remĂšdes quâon emploie pour les guĂ©rir sont autant dâinstruments de torture, si bien quâun homme ne peut se dĂ©livrer dâune douleur que par une autre. La soif nâai-elle pas contraint quelques malheureux Ă boire de lâurine? la faim nâa-t-elle pas portĂ© des hommes, non-seulement Ă se nourrir de cadavres humains quâils avaient rencontrĂ©s, mais Ă tuer leurs semblables pour les dĂ©vorer? Nâa-t-on pas vu des mĂšres, poussĂ©es par une faim exĂ©crable, plonger le couteau dans le sein de leurs enfants? Le sommeil mĂȘme, quâon appelle proprement repos , combien est-il souvent inquiet, accompagnĂ© de songes terribles et affreux, qui effraient lâĂąme et dont les images sont si vives quâon ne les saurait distinguer des rĂ©alitĂ©s de la veille? En certaines maladies, ces visions fantastiques tourmentent mĂȘme ceux qui veillent , sans parler des illusions dont les dĂ©mons abusent les hommes en bonne santĂ©, afin de troubler du moins les sens de leurs victimes, sâils ne peuvent rĂ©ussir Ă les attirer Ă leur parti. Il nây a que la grĂące du Sauveur JĂ©sus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, qui nous puisse dĂ©livrer de lâenfer de cette misĂ©rable vie. Câest ce que son nom mĂȘme signifie car JĂ©sus veut dire Sauveur. Et nous lui devons demander surtout quâaprĂšs la vie actuelle, il nous dĂ©livre dâune autre encore plus misĂ©rable, qui nâest pas tant une vie quâune mort. Ici-bas, bien que nous trouvions de grands soulagements Ă nos maux dans les choses saintes et dans lâintercession des saints, ceux qui demandent ces grĂąces ne les obtiennent pas toujours; et la Providence le veut ainsi, de peur quâun motif temporel ne nous porte Ă suivre une religion quâil faut plutĂŽt embrasser en vue de lâautre vie, oĂč il aura plus de mal. Câest pour cela que la grĂące aide les bons au milieu des maux, afin quâils les supportent dâautant plus constamment quâils ont plus de foi. Les doctes du siĂšcle prĂ©tendent que la philosophie y fait aussi quelque chose , cette philosophie que les dieux, selon CicĂ©ron, ont accordĂ©e dans sa puretĂ© Ă un petit nombre dâhommes . Ils nâont jamais fait, dit-il, et ne peuvent faire un plus grand prĂ©sent aux hommes . » Cela prouve que ceux mĂȘmes que nous combattons ont Ă©tĂ© obligĂ©s de reconnaĂźtre en quelque façon que la grĂące de Dieu est nĂ©cessaire pour acquĂ©rir la vĂ©ritable philosophie. Et si la vĂ©ritable philosophie, qui est lâunique secours contre les misĂšres de la condition mortelle, a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă un si petit nombre dâhommes, voilĂ encore une preuve que ces misĂšres sont des peines auxquelles les hommes ont Ă©tĂ© condamnĂ©s. Or, comme nos philosophes tombent dâaccord que le ciel ne nous a pas fait de don plus prĂ©cieux, il faut croire aussi quâil nâa pu venir que du vrai Dieu, de ce Dieu qui est reconnu comme le plus grand de tous par ceux-lĂ mĂȘmes qui en adorent plusieurs. CHAPITRE XXIII. DES MISĂRES DE CETTE VIE QUI SONT PROPRES AUX BONS INDĂPENDAMMENT DE CELLES QUI LEUR SONT COMMUNES AVEC LES MĂCHANTS. Outre les maux de cette vie qui sont communs aux bons et aux mĂ©chants, les bons ont des traverses particuliĂšres Ă essuyer dans la guerre continuelle quâils font Ă leurs passions. Les rĂ©voltes de la chair contre lâesprit sont tantĂŽt plus fortes, tantĂŽt moindres, mais elles ne cessent jamais; de sorte que, ne faisant jamais ce que nous voudrions , il ne nous reste quâĂ lutter contre toute concupiscence mauvaise, autant que Dieu nous en donne le pouvoir, et Ă veiller continuellement sur nous-mĂȘmes, de crainte quâune fausse apparence ne nous trompe, quâun discours artificieux ne nous surprenne, que quelque erreur ne sâempare de notre esprit, que nous ne prenions un bien pour un mal, ou un mal pour un bien, que la crainte ne nous dĂ©tourne de faire ce quâil faut, que la passion ne nous porte Ă faire ce quâil ne faut pas, que le soleil ne se couche sur notre colĂšre , que la peine ne nous entraĂźne Ă rendre le mal pour le mal, quâune tristesse excessive ou dĂ©raisonnable ne nous accable, que nous ne soyons ingrats pour un bienfait reçu, que les mĂ©disances ne nous troublent, que nous ne portions des jugements tĂ©mĂ©raires, que nous ne soyons accablĂ©s de ceux que lâon porte contre nous, que le pĂ©chĂ© ne rĂšgne en notre corps mortel en secondant nos dĂ©sirs, que nous ne fassions de nos membres des instruments dâiniquitĂ© pour le pĂ©chĂ© , que notre oeil ne suive ses appĂ©tits dĂ©rĂ©glĂ©s, quâun dĂ©sir de vengeance ne nous entraĂźne, que nous nâarrĂȘtions nos regards ni nos pensĂ©es sur des objets illĂ©gitimes, que nous ne prenions du plaisir Ă entendre quelque parole outrageuse ou dĂ©shonnĂȘte, que nous ne fassions ce qui nâest pas permis, quoique nous en soyons tentĂ©s, que, dans cette guerre pĂ©nible et pleine de dangers, nous ne nous promettions la victoire par nos propres forces, ou que nous cĂ©dions Ă lâorgueil de nous lâattribuer au lieu dâen faire honneur Ă celui dont lâApĂŽtre dit GrĂąces soient rendues Ă Dieu, qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur JĂ©sus-Christ »; et ailleurs Nous demeurons victorieux au milieu de tous ces maux par la grĂące de celui qui nous a aimĂ©s ». Sachons pourtant que, quelque rĂ©sistance que nous opposions aux vices et quelque avantage que nous remportions sur eux, tant que nous sommes dans ce corps mortel, nous ne pouvons manquer de dire Ă Dieu Remettez-nous nos dettes »Mais dans ce royaume oĂč nous demeurerons Ă©ternellement, revĂȘtus de corps immortels, nous nâaurons plus de guerre ni de dettes, comme nous nâen aurions jamais eu, si notre nature Ă©tait demeurĂ©e dans sa premiĂšre puretĂ© . Ainsi cette guerre mĂȘme, oĂč nous sommes si exposĂ©s et dont nous dĂ©sirons ĂȘtre dĂ©livrĂ©s par une derniĂšre victoire, fait partie des maux de cette vie, qui, ainsi que nous venons de lâĂ©tablir par le dĂ©nombrement de tant de misĂšres, a Ă©tĂ© condamnĂ©e par un arrĂȘt divin. CHAPITRE XXIV. DES BIENS DONT LE CRĂATEUR A REMPLI CETTE VIE, TOUTE EXPOSĂE QUâELLE SOIT A LA DAMNATION. Cependant, il faut louer la justice de Dieu dans ces misĂšres mĂȘmes qui affligent le genre humain; car de quelle multitude de biens sa bontĂ© nâa-t-elle pas aussi rempli cette vie ! Dâabord, il nâa pas voulu arrĂȘter, mĂȘme aprĂšs le pĂ©chĂ©, lâeffet de cette bĂ©nĂ©diction quâil a rĂ©pandue sur les hommes, en leur disant Croissez et multipliez et remplissez la terre», La fĂ©conditĂ© est demeurĂ©e dans une race justement condamnĂ©e; et bien que le pĂ©chĂ© nous ait imposĂ© la nĂ©cessitĂ© de mourir, il nâa pas pu nous ĂŽter cette vertu admirable des semences, ou plutĂŽt cette vertu encore plus admirable qui les produit, et qui est profondĂ©ment enracinĂ©e et comme entĂ©e dans la substance du corps. Mais dans ce fleuve ou ce torrent qui emporte les gĂ©nĂ©rations humaines, le mal et le bien se mĂȘlent toujours le mal que nous devons Ă notre premier pĂšre, le bien que nous devons Ă la bontĂ© du CrĂ©ateur. Dans le mal originel, il y a deux choses le pĂ©chĂ© et le supplice; et il y en a deux autres dans le bien originel la propagation et la conformation. Jâai dĂ©jĂ parlĂ© suffisamment de ce double mal, je veux dire du pĂ©chĂ©, qui vient de notre audace, et du supplice, qui est lâeffet du jugement de Dieu, Jâai dessein maintenant de parler des biens que Dieu a communiquĂ©s ou communique encore Ă notre nature, toute corrompue et condamnĂ©e quâelle est. En la condamnant, il ne lui a pas ĂŽtĂ© tout ce quâil lui avait donnĂ© autrement, elle ne serait plus du tout; et, en lâassujĂ©tissant au dĂ©mon pour la punir, il ne sâest pas privĂ© du pouvoir quâil avait sur elle, puisquâil a toujours conservĂ© son empire sur le dĂ©mon lui. mĂȘme, qui dâailleurs ne subsisterait pas un instant sans celui qui est lâĂȘtre souverain et le principe de tous les ĂȘtres. De ces deux biens qui se rĂ©pandent du sein de sa bontĂ©, comme dâune source fĂ©conde, sur la nature humaine, mĂȘme corrompue et condamnĂ©e, le premier, la propagation, fut le premier don que Dieu accorda Ă lâhomme en le bĂ©nissant, lorsquâil fit les premiers ouvrages du monde, dont il se reposa le septiĂšme jour. Pour la conformation, il la lui donne sans cesse par son action continuellement crĂ©atrice . Sâil venait Ă retirer Ă soi sa puissance efficace, ses crĂ©atures ne pourraient aller au delĂ , ni accomplir la durĂ©e assignĂ©e Ă leurs mouvements mesurĂ©s, ni mĂȘme conserver lâĂȘtre quâelles ont reçu. Dieu a donc créé lâhomme de telle façon quâil lui a donnĂ© le pouvoir de se reproduire, sans nĂ©anmoins lây obliger; et sâil a ĂŽtĂ© ce pouvoir Ă quelques-uns, en les rendant stĂ©riles, il ne lâa pas ĂŽtĂ© au genre humain. Toutefois, bien que cette facultĂ© soit restĂ©e Ă lâhomme, malgrĂ© son pĂ©chĂ©, elle nâest pas telle quâelle aurait Ă©tĂ©, sâil nâavait jamais pĂ©chĂ©. Car depuis que lâhomme est dĂ©chu par sa dĂ©sobĂ©issance de cet Ă©tat de gloire oĂč il avait Ă©tĂ© créé, il est devenu semblable aux bĂȘtes et engendre comme elles, gardant toujours en lui cependant cette Ă©tincelle de raison qui fait quâil est encore créé Ă lâimage de Dieu. Mais si la conformation ne se joignait pas Ă la propagation, celle-ci demeurerait oisive et ne pourrait accomplir son ouvrage. Dieu en effet avait-il besoin pour peupler la terre que lâhomme et la femme eussent commerce ensemble? il lui suffisait de crĂ©er plusieurs hommes comme il avait créé le premier. Et maintenant mĂȘme, le mĂąle et la femelle pourraient sâaccoupler, et nâengendreraient rien, sans lâaction crĂ©atrice de Dieu. De mĂȘme que lâApĂŽtre a dit de lâinstitution spirituelle qui forme lâhomme Ă la piĂ©tĂ© et Ă la justice Ce nâest ni celui qui plante, ni celui qui arrose, qui est quelque chose, mais Dieu, qui donne lâaccroissement »; ainsi lâon peut dire que ce nâest point lâhomme, dans lâunion conjugale, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne lâĂȘtre; que ce nâest point la mĂšre, bien quâelle porte son fruit - dans son sein et le nourrisse, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne lâaccroissement. Lui seul, par lâaction quâil exerce maintenant encore, fait que les semences se dĂ©veloppent, et sortent de ces plis secrets et invisibles qui les tenaient cachĂ©es, pour exposer Ă nos yeux les beautĂ©s visibles que nous admirons. Lui seul, liant ensemble par des noeuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle, lâune pour commander, lâautre pour obĂ©ir, compose lâĂȘtre animĂ©, ouvrage si grand et si merveilleux, que non-seulement lâhomme, qui est un animal raisonnable, et par consĂ©quent plus noble et plus excellent que tous les animaux de la terre, mais la moindre petite mouche ne peut ĂȘtre attentivement considĂ©rĂ©e sans Ă©tonner lâintelligence et faire louer le CrĂ©ateur. Câest donc lui qui a donnĂ© Ă lâĂąme humaine cet entendement oĂč la raison et lâintelligence sont comme assoupies dans les enfants, pour se rĂ©veiller et sâexercer avec lâĂąge, afin quâils soient capables de connaĂźtre la vĂ©ritĂ© et dâaimer le bien, et quâils acquiĂšrent ces vertus de prudence, de force, de tempĂ©rance et de justice nĂ©cessaires pour combattre les erreurs et les autres vices, et pour les vaincre par le seul dĂ©sir du Bien immuable et souverain. Que si cette capacitĂ© nâa pas toujours son effet dans la crĂ©ature raisonnable, qui peut nĂ©anmoins exprimer ou seulement concevoir la grandeur du bien renfermĂ© dans ce merveilleux ouvrage du Tout-Puissant? Outre lâart de bien vivre et dâarriver Ă la fĂ©licitĂ© immortelle, art sublime qui sâappelle la vertu, et que la seule grĂące de Dieu en JĂ©sus-Christ donne aux enfants de la promesse et du royaume, lâesprit humain nâa-t-il pas inventĂ© une infinitĂ© dâarts qui font bien voir quâun entendement si actif, si fort et si Ă©tendu, mĂȘme cules choses superflues ou nuisibles, doit avoir un grand fonds de bien dans sa nature, pour avoir pu y trouver tout cela? JusquâoĂč nâest pas allĂ©e lâindustrie des hommes dans lâart de former des tissus, dâĂ©lever des bĂątiments, dans lâagriculture et la navigation? Que dâimagination -et de perfection dans ces vases de toutes formes, dans cette multitude de tableaux et de statues! Quelles merveilles ne se font pas sur la scĂšne, qui semblent incroyables Ă qui nâen a pas Ă©tĂ© tĂ©moin! Que de ressources et de ruses pour prendre, tuer ou dompter les bĂȘtes farouches! Combien de sortes de poisons, dâarmes, de machines, les hommes nâont-ils pas inventĂ©es contre les hommes mĂȘmes! combien de secours et de remĂšdes pour conserver la santĂ©! combien dâassaisonnements et de mets pour le plaisir de la bouche et pour rĂ©veiller lâappĂ©tit! Quelle diversitĂ© de signes pour exprimer et faire agrĂ©er ses pensĂ©es, et au premier rang, la parole et lâĂ©criture ! quelle richesse dâornements dans lâĂ©loquence et la poĂ©sie pour rĂ©jouir lâesprit et pour charmer lâoreille, sans parler de tant dâinstruments de musique, de tant dâairs et de chants ! Quelle connaissance admirable des mesures et des nombres ! quelle sagacitĂ© dâesprit dans la dĂ©couverte des harmonies et des rĂ©volutions des globes cĂ©lestes ! Enfin, qui pourrait dire toutes les connaissances dont lâesprit humain sâest enrichi touchant les choses naturelles, surtout si on voulait insister sur chacune en particulier, au lieu de les rapporter en gĂ©nĂ©ral ? Pour dĂ©fendre mĂȘme des erreurs et des faussetĂ©s, combien les philosophes et les hĂ©rĂ©tiques nâont-ils pas fait paraĂźtre dâesprit? car nous ne parlons maintenant que de la nature de lâentendement qui sert dâornement Ă cette vie mortelle, et non de la foi et de la vĂ©ritĂ© par lesquelles on acquiert la vie immortelle. Certes une nature excellente, ayant pour auteur un Dieu Ă©galement juste et puissant, qui gouverne lui-mĂȘme tous ses ouvrages, ne serait jamais tombĂ©e dans ces misĂšres, et de ces misĂšres nâirait point les seuls justes exceptĂ©s dans tous les tourments Ă©ternels, si elle nâavait Ă©tĂ© corrompue originairement dans le premier homme, dâoĂč sont sortis tous les autres, par quelque grand et Ă©norme pĂ©chĂ©. Si nous considĂ©rons notre corps mĂȘme, bien quâil meure comme celui des bĂȘtes, qui lâont souvent plus robuste que nous, quelle bontĂ© et quelle providence de Dieu y Ă©clatent de toutes parts? Les organes des sens et les autres membres nây sont-ils pas tellement dis-pesĂ©s, sa forme et sa stature si bien ordonnĂ©es, quâil paraĂźt clairement avoir Ă©tĂ© fait pour le service et le ministĂšre dâune Ăąme raisonnable? Lâhomme nâa pas Ă©tĂ© créé courbĂ© vers la terre, comme les animaux sans raison; mais sa stature droite et Ă©levĂ©e lâavertit de porter ses pensĂ©es et ses dĂ©sirs vers le ciel . Dâailleurs cette merveilleuse vitesse donnĂ©e Ă la langue et Ă la main pour parler et pour Ă©crire, et pour exĂ©cuter tant de choses, ne montre-t-elle pas combien est excellente lâĂąme qui a reçu un corps si bien fait pour serviteur ? que dis-je ? et quand bien mĂȘme le corps nâaurait pas besoin dâagir, les proportions en sont observĂ©es avec tant dâart et de justesse, quâil serait difficile de dĂ©cider si, dans sa structure, Dieu a eu plus dâĂ©gard Ă lâutilitĂ© quâĂ la beautĂ©. Au moins nây voyons-nous rien dâutile qui ne soit beau tout Ă la fois ce qui nous serait plus, Ă©vident encore, si nous connaissions les rapports et les proportions que toutes les parties ont entre elles, et dont nous pouvons dĂ©couvrir quelque chose par ce que nous voyons au dehors. Quant Ă ce qui est cachĂ©, comme lâenlacement des veines, des nerfs, des muscles, des fibres, personne ne le saurait connaĂźtre. En effet, bien que les anatomistes aient dissĂ©quĂ© des cadavres, et quelquefois mĂȘme se soient cruellement exercĂ©s sur des hommes vivants pour fouiller dans les parties les plus secrĂštes du corps humain, et apprendre ainsi Ă les guĂ©rir, toutefois, comment aucun dâentre eux aurait-il trouvĂ© cette proportion admirable dont nous parlons, et que les Grecs appellent harmonie, puisquâils ne lâont pas seulement osĂ© chercher? Si nous pouvions la connaĂźtre dans les entrailles, qui nâont aucune beautĂ© apparente, nous y trouverions quelque chose de plus beau et qui satisferait plus notre esprit que tout ce qui flatte le plus agrĂ©ablement nos yeux dans la figure extĂ©rieure du corps. Or, il y a certaines parties dans le corps qui ne sont que pour lâornement et non pas pour lâusage, comme les mamelles de lâhomme, et la barbe, qui nâest pas destinĂ©e Ă le dĂ©fendre, puisque autrement les femmes, qui sont plus faibles, devraient en avoir. Si donc il nây a aucun membre, de tous ceux qui paraissent, qui nâorne le corps autant quâil le sert, et sâil y en a mĂȘme qui ne sont que pour lâornement et je pense que lâon comprend aisĂ©ment que, dans la structure du corps, Dieu a eu plus dâĂ©gard Ă la beautĂ© quâĂ la nĂ©cessitĂ©. En effet, le temps de la nĂ©cessitĂ© passera, et il en viendra un autre, oĂč nous ne jouirons que de la beautĂ© de nos semblables, sans aucune concupiscence digne sujet de louanges envers le CrĂ©ateur, Ă qui il est dit dans le psaume Vous vous ĂȘtes revĂȘtu de gloire et de splendeur !» Que dire de tant dâautres choses Ă©galement belles et utiles qui remplissent lâunivers et dont la bontĂ© de Dieu a donnĂ© lâusage et le spectacle Ă lâhomme, tout condamnĂ© quâil soit Ă tant de peines et Ă tant de misĂšres? Parlerai-je de ce vif Ă©clat de la lumiĂšre, de la magnificence du soleil, de la lune et des Ă©toiles, de ces sombres beautĂ©s des forĂȘts, des couleurs et des parfums des fleurs, de cette multitude dâoiseaux si diffĂ©rents de chant et de plumage, de cette diversitĂ© infinie dâanimaux dont les plus petits sont les plus admirables ? car les ouvrages dâune fourmi et dâune abeille nous Ă©tonnent plus que le corps gigantesque dâune baleine. Parlerai-je de la mer, qui fournit toute seule un si grand spectacle Ă nos yeux, et des diverses couleurs dont elle se couvre comme dâautant dâhabits diffĂ©rents, tantĂŽt verte, tantĂŽt bleue, tantĂŽt pourprĂ©e ? Combien mĂȘme y a-t-il de plaisir Ă la voir en courroux, pourvu que lâon se sente Ă lâabri de ses flots? Que dire de cette multitude de mets diffĂ©rents quâon a trouvĂ©s pour apaiser la faim, de ces divers assaisonnements que nous offre la libĂ©ralitĂ© de la nature contre le dĂ©goĂ»t, sans recourir Ă lâart des cuisiniers, de cette infinitĂ© de remĂšdes qui servent Ă conserver ou Ă rĂ©tablir la santĂ©, de cette agrĂ©able vicissitude des jours et des nuits, de ces doux zĂ©phyrs qui tempĂšrent les chaleurs de lâĂ©tĂ©, et de mille sortes de vĂȘtements que nous fournissent les arbres et les animaux ? Qui peut tout dĂ©crire? et si je voulais mĂȘme Ă©tendre çe peu que je me borne Ă indiquer, combien de temps ne me faudrait-il pas? car il nây a pas une de ces merveilles qui nâen comprenne plusieurs. Et ce ne sont lĂ pourtant que les consolations de misĂ©rables condamnĂ©s et non les rĂ©compenses des bienheureux; quelles seront donc ces rĂ©compenses? quâest-ce que Dieu donnera Ă ceux quâil prĂ©destine Ă la vie, sâil donne tant ici-bas Ă ceux quâil a prĂ©destinĂ©s Ă la mort? de quels biens ne comblera-t-il point en la vie bienheureuse ceux pour qui il a voulu que son Fils unique souffrĂźt tant de maux et la mort mĂȘme en cette vie mortelle et misĂ©rable? Aussi lâApĂŽtre, parlant de ceux qui sont prĂ©destinĂ©s au royaume cĂ©leste Que ne nous donnera-t-il point, dit-il, aprĂšs nâavoir pas Ă©pargnĂ© son propre Fils, et lâavoir livrĂ© Ă la mort pour nous tous ? » Quand cette promesse sera accomplie, quels biens nâavons-nous pas Ă espĂ©rer dans ce royaume, ayant dĂ©jĂ reçu pour gage la mort dâun Dieu? En quel Ă©tat sera lâhomme lorsquâil nâaura plus de passions Ă combattre et quâil sera dans une paix parfaite avec lui-mĂȘme? Ne connaĂźtra-t-il pas certainement toutes choses sans peine et sans erreur, lorsquâil puisera la sagesse de Dieu Ă sa source mĂȘme? Que sera son corps, lorsque, parfaitement soumis Ă lâesprit dont il tirera une vie abondante, il nâaura plus besoin dâaliments ? il ne sera plus animal, mais spirituel, gardant, il est vrai, la substance de la chair, mais exempt dĂ©sormais de toute corruption charnelle. CHAPITRE XXV. DE LâOBSTINATION DE QUELQUES INCRĂDULES QUI NE VEULENT PAS CROIRE A LA RĂSURRECTION DE LA CHAIR, ADMISE AUJOURDâHUI , SELON LES PRĂDICTIONS DES LIVRES SAINTS, PAR LE MONDE ENTIER. Les plus fameux philosophes conviennent avec nous des biens dont lâĂąme heureuse jouira; ils combattent seulement la rĂ©surrection de la chair et la nient autant quâils peu. vent. Mais le grand nombre de ceux qui y croient a rendu imperceptible le nombre de ceux qui la nient; et les savants et les ignorants, les sages du monde et les simples se sont rangĂ©s du cĂŽtĂ© de JĂ©sus-Christ, qui a fait voir comme rĂ©el dans sa rĂ©surrection ce quâune poignĂ©e dâincrĂ©dules trouve absurde. Le monde a cru ce que Dieu a prĂ©dit, et cette foi mĂȘme du monde a Ă©tĂ© aussi prĂ©dite, sans quâon en puisse attribuer la prĂ©diction aux sortilĂšges de Pierre, puisquâelle lâa prĂ©cĂ©dĂ© de tant dâannĂ©esâ. Celui qui a annoncĂ© ces choses est le mĂȘme Dieu devant qui tremblent toutes les autres divinitĂ©s; je lâai dĂ©jĂ dit et je ne suis pas fĂąchĂ© de le rĂ©pĂ©ter; car ici Porphyre est dâaccord avec moi, lui qui cherche dans les oracles mĂȘmes de ses dieux des tĂ©moignages Ă lâhonneur de notre Dieu, et va jusquâĂ lui donner le nom de PĂšre et de Roi. Or, gardons-nous dâentendre ce que Dieu a prĂ©dit comme lâentendent ceux qui ne partagent pas avec le monde cette foi du monde quâil a prĂ©dite. Et pourquoi en effet ne pas lâentendre plutĂŽt comme lâentend le monde dont la foi mĂȘme a Ă©tĂ© prĂ©dite? En effet, sâils ne veulent lâentendre dâune autre maniĂšre que pour ne pas faire injure Ă ce Dieu Ă qui ils rendent un tĂ©moignage si Ă©clatant, et pour ne pas dire que sa prĂ©diction est vaine, nâest-ce pas lui faire une plus grande injure encore de dire quâil la faut entendre autrement que le monde ne la croit, puisque lui-mĂȘme a annoncĂ©, louĂ©, accompli la foi du monde? Pourquoi ne peut-il pas faire que la chair ressuscite et vive Ă©ternellement? est-ce lĂ un mal et une chose indigne de lui? Mais nous avons dĂ©jĂ amplement parlĂ© de sa toute-puissance qui a fait tant de choses incroyables. Voulez-vous savoir ce que ne peut le Tout-Puissant? le voici il ne peut mentir. Croyez donc ce quâil peut en ne croyant pas ce quâil ne peut. Ne croyant pas quâil puisse mentir, croyez donc quâil fera ce quâil a promis, et croyez-le comme lâa cru le monde dont il a prĂ©dit la foi. Maintenant, comment nos philosophes montrent-ils que ce soit un mal? Il nây aura lĂ aucune corruption, par consĂ©quent, aucun mal du corps. Dâailleurs, nous avons parlĂ© de lâordre des Ă©lĂ©ments et des autres objections que lâon a imaginĂ©es Ă ce sujet, et nous avons fait voir, au treiziĂšme livre, combien les mouvements dâun corps incorruptible seront souples et aisĂ©s, Ă nâen juger que par ce que nous voyons maintenant, lorsque notre corps se porte bien, quoique sa santĂ© actuelle la plus parfaite ne soit pas comparable Ă lâimmortalitĂ© quâil possĂ©dera un jour. Que ceux qui nâont pas lu ce que jâai dit ci-dessus, ou qui ne veulent pas sâen souvenir, prennent la peine de le relire. CHAPITRE XXVI. OPINION DE PORPHYRE SUR LE SOUVERAIN BIEN. Mais, disent-ils, Porphyre assure quâune Ăąme, pour ĂȘtre heureuse, doit fuir toute sorte de corps . Câest donc en vain que nous prĂ©tendons que le corps sera incorruptible, si lâĂąme ne peut ĂȘtre heureuse quâĂ condition de fuir le corps. Jâai dĂ©jĂ suffisamment rĂ©pondu Ă cette objection, au livre indiquĂ©. Jâajouterai ceci seulement si les philosophes ont raison, que Platon, leur maĂźtre, corrige donc ses livres, et dise que les dieux fuiront leurs corps pour ĂȘtre bienheureux, câest-Ă -dire quâils mourront, lui qui dit quâils sont enfermĂ©s dans des corps cĂ©lestes et que nĂ©anmoins le dieu qui les a créés leur a promis quâils y demeureraient toujours, afin quâils pussent ĂȘtre assurĂ©s de leur fĂ©licitĂ©, quoique cela ne dĂ»t pas ĂȘtre naturellement. Il renverse en cela du mĂȘme coup cet autre raisonnement quâon nous oppose Ă tout propos quâil ne faut pas croire Ă la rĂ©surrection de la chair, parce quâelle est impossible. En effet, selon ce mĂȘme philosophe, lorsque le Dieu incréé a promis lâimmortalitĂ© aux dieux créés, il leur a dit quâil faisait une chose impossible. Voici le discours mĂȘme que Platon prĂȘte Ă Dieu Comme vous avez commencĂ© dâĂȘtre, vous ne sauriez ĂȘtre immortels ni parfaitement indissolubles; mais vous ne serez jamais dissous, et vous ne connaĂźtrez aucune sorte de mort, parce que la mort ne peut rien contre ma volontĂ©, laquelle est un lien plus fort et plus puissant que ceux dont vous fĂ»tes unis au moment de votre naissance ». AprĂšs cela, on ne peut plus douter, que, suivant Platon, le Dieu crĂ©ateur des autres dieux ne leur ait promis ce qui est impossible. Celui qui dit Vous ne pouvez Ă la vĂ©ritĂ© ĂȘtre immortels, mais vous le serez, parce que je le veux, que dit-il autre chose, sinon Je ferai que vous serez ce que vous ne pouvez ĂȘtre? Celui-lĂ donc ressuscitera la chair et la rendra immortelle, incorruptible et spirituelle, qui, selon Platon, a promis de faire ce qui est impossible. Pourquoi donc sâimaginer encore que ce que Dieu a promis de faire, ce que le monde entier croit sur sa parole, est impossible, surtout lorsquâil a aussi promis que le monde le croirait? Nous ne disons pas quâun autre dieu le doive faire que celui qui, selon Platon, fait des choses impossibles. Il ne faut donc pas que les Ăąmes fuient toutes sortes de corps pour ĂȘtre heureuses, mais il faut quâelles en reçoivent un incorruptible. Et en quel corps incorruptible est-il plus raisonnable quâelles se rĂ©jouissent, que dans le corps corruptible oĂč elles ont gĂ©mi? Ainsi elles nâauront pas ce dĂ©sir que Virgile leur attribue, dâaprĂšs Platon, de vouloir de nouveau retourner dans les corps a, puisquâelles auront Ă©ternellement ces corps, et elles les auront si bien quâelles ne sâen sĂ©pareront pas, mĂȘme pendant le plus petit espace de temps. CHAPITRE XXVII. DES OPINIONS CONTRAIRES DE PLATON ET DE PORPHYRE, LESQUELLES LES EUSSENT CONDUITS Ă LA VĂRITĂ, SI CHACUN DâEUX AVAIT VOULU CĂDER QUELQUE CHOSE A LâAUTRE. Platon et Porphyre ont aperçu chacun certaines vĂ©ritĂ©s qui peut-ĂȘtre en auraient fait des chrĂ©tiens, sâils avaient pu se les communiquer lâun Ă lâautre. Platon avance que les Ăąmes ne peuvent ĂȘtre Ă©ternellement sans corps, de sorte que celles mĂȘme des sages retourneront Ă la vie corporelle, aprĂšs un long espace de temps . Porphyre dĂ©clare que lorsque lâĂąme parfaitement purifiĂ©e sera retournĂ©e au PĂšre, elle ne reviendra jamais aux misĂšres de cette vie. Si Platon avait persuadĂ© Ă Porphyre cette vĂ©ritĂ©, que sa raison avait conçue, que les Ăąmes mĂȘmes des hommes justes et sages retourneront en des corps humains; et si Porphyre eĂ»t fait part Ă Platon de cette autre vĂ©ritĂ©, quâil avait Ă©tablie, que les Ăąmes des saints ne reviendront jamais aux misĂšres dâun corps corruptible, je pense quâils auraient bien vu quâil sâensuit de lĂ que les Ăąmes doivent retourner dans des corps, mais dans des corps immortels et incorruptibles. Que Porphyre dise donc avec Platon elles retourneront dans des corps; que Platon dise avec Porphyre elles ne retourneront pas Ă leur premiĂšre misĂšre. Ils reconnaĂźtront alors tous deux quâelles retourneront en des corps oĂč elles ne souffriront plus rien. Ce nâest autre chose que ce que Dieu a promis, savoir lâĂ©ternelle fĂ©licitĂ© des Ăąmes dans des corps immortels. Et maintenant; une fois accordĂ© que les Ăąmes des saints retourneront en des corps immortels, je pense quâils nâauraient pas beaucoup de peine Ă leur permettre de retourner en ceux oĂč ils ont souffert les maux de la terre, et oĂč ils ont religieusement servi Dieu pour ĂȘtre dĂ©livrĂ©s de tout mal. CHAPITRE XXVIII. COMMENT PLATON, LABĂON ET MĂME VARRON AURAIENT PU VOIR LA VĂRITĂ DE LA RĂSURRECTION DE LA CHAIR, SâILS AVAIENT RĂUNI LEURS OPINIONS EN UNE SEULE. Quelques-uns des nĂŽtres, qui aiment Platon Ă cause de la beautĂ© de son style et de quelques vĂ©ritĂ©s rĂ©pandues dans ses Ă©crits, disent quâil professe Ă peu prĂšs le mĂȘme sentiment que nous sur la rĂ©surrection. Mais CicĂ©ron, qui en touche un mot dans sa RĂ©publique, laisse voir que le cĂ©lĂšbre philosophe a plutĂŽt voulu se jouer que dire ce quâil croyait vĂ©ritable. Platon, en effet, introduit dans un de ses dialogues un homme ressuscitĂ© qui fait des rĂ©cits conformes aux sentiments des Platoniciens . LabĂ©on rapporte aussi que deux hommes morts le mĂȘme jour se rencontrĂšrent dans un carrefour, et quâensuite, ayant reçu lâordre de retourner dans leur corps, ils se jurĂšrent une parfaite amitiĂ©, qui dura jusquâĂ ce quâils moururent de nouveau. Mais ces sortes de rĂ©surrections sont comme celles des personnes que nous savons avoir Ă©tĂ© de nos jours rendues Ă la vie, mais non pas pour ne plus mourir, Varron rapporte quelque chose de plus merveilleux dans son traitĂ© De lâorigine du peuple romain. Voici ses propres paroles Quelques astrologues ont Ă©crit que les hommes sont destinĂ©s Ă une renaissance quâils appellent palingĂ©nĂ©sie, et ils en fixent lâĂ©poque Ă quatre cent quarante ans aprĂšs la mort. A ce moment, lâĂąme reprendra le mĂȘme corps quâelle avait auparavant ». Ce que Varron et ces astrologues, je ne sais lesquels, car il ne les nomme point, disent ici, nâest pas absolument vrai, puisque, lorsque les Ăąmes seront revenues Ă leurs corps, elles ne les quitteront plus; mais au moins cela renverse-t-il beaucoup dâarguments que nos adversaires tirent dâune prĂ©tendue impossibilitĂ©. En effet, les paĂŻens qui ont Ă©tĂ© de ce sentiment nâont donc pas estimĂ© que des corps Ă©vaporĂ©s dans lâair, ou Ă©coulĂ©s en eau, ou rĂ©duits en cendre et en poussiĂšre, ou passĂ©s dans la substance soit des bĂȘtes, soit des hommes, ne puissent ĂȘtre rĂ©tablis en leur premier Ă©tat. Si donc Platon et Porphyre, ou plutĂŽt ceux qui les aiment et qui sont actuellement en vie, tiennent que les Ăąmes purifiĂ©es retourneront dans des corps, comme le dit Platon, et que nĂ©anmoins elles ne reviendront point Ă leurs misĂšres, comme le veut Porphyre, câest-Ă -dire sâils tiennent ce quâenseigne notre religion, quâelles rentreront dans des corps oĂč elles demeureront Ă©ternellement sans souffrir aucun mal, il ne leur reste plus quâĂ dire avec Varron quâelles retourneront aux mĂȘme corps quâelles animaient primitivement, et toute la question de la rĂ©surrection sera rĂ©solue. CHAPITRE XXIX. DE LA NATURE DE LA VISION PAR LAQUELLE LES SAINTS CONNAĂTRONT DIEU DANS LA VIE FUTURE. Voyons maintenant, autant quâil plaira Ă Dieu de nous Ă©clairer, ce que les saints feront dans leurs corps immortels et spirituels, alors que leur chair ne vivra plus charnellement, mais spirituellement. Pour avouer avec franchise ce qui en est, je ne sais quelle sera cette action, ou plutĂŽt ce calme et ce repos dont ils jouiront. Les sens du corps ne mâen ont jamais donnĂ© aucune idĂ©e, et quant Ă lâintelligence, quâest-ce que toute la nĂŽtre, en comparaison dâun si grand objet ? Câest au sĂ©jour cĂ©leste que rĂšgne cette paix de Dieu, qui », comme dit lâApĂŽtre, surpasse tout entendement » quel entendement, sinon le nĂŽtre, ou peut-ĂȘtre mĂȘme celui des anges? mais elle ne surpasse pas celui de Dieu. Si donc les saints doivent vivre dans la paix de Dieu, assurĂ©ment la paix oĂč ils doivent vivre surpasse tout entendement. Quâelle surpasse le nĂŽtre, il nâen faut point douter; mais si elle surpasse mĂȘme celui des anges, comme il semble que lâApĂŽtre le donne Ă penser, qui dit tout nâexceptant rien, il faut appliquer ses paroles Ă la paix dont jouit Dieu, et dire que ni nous, ni les anges mĂȘme ne la peuvent connaĂźtre comme Dieu la connaĂźt. Ainsi elle surpasse tout autre entendement que le sien. Mais de mĂȘme que nous participerons un jour, selon notre faible capacitĂ©, Ă cette paix, soit en nous-mĂȘmes, soit en notre prochain, soit en Dieu, en tant quâil est notre souverain bien, ainsi les anges la connaissent aujourdâhui autant quâils en sont capables, et les hommes aussi, mais beaucoup moins quâeux, tout avancĂ©s quâils soient dans les voies spirituelles. Quel homme en effet peut surpasser celui qui a dit Nous connaissons en partie, et en partie nous devinons, jusquâau jour oĂč le parfait sâaccomplira »; et ailleurs Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en Ă©nigme; mais alors nous verrons face Ă face ». Câest ainsi que voient dĂ©jĂ les saints anges, qui sont aussi appelĂ©s nos anges, parce que, depuis que nous avons Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©s de la puissance des tĂ©nĂšbres et transportĂ©s au royaume de JĂ©sus-Christ, aprĂšs avoir reçu le Saint-Esprit pour gage de notre rĂ©conciliation, nous commençons Ă appartenir Ă ces anges avec qui nous possĂ©derons en commun cette sainte et chĂšre CitĂ© de Dieu, sur laquelle nous avons dĂ©jĂ Ă©crit tant de livres. Les anges de Dieu sont donc nos anges, comme le Christ de Dieu est notre Christ. Ils sont les anges de Dieu, parce quâils ne lâont point abandonnĂ©; et ils sont nos anges, parce que nous commençons Ă ĂȘtre leurs concitoyens. Câest ce qui a fait dire Ă Notre-Seigneur Prenez bien garde de ne mĂ©priser aucun de ces petits; car je vous assure que leurs anges voient sans cesse la face de mon PĂšre dans le ciel ». Nous la verrons, nous aussi, comme ils la voient, mais nous ne la voyons pas encore de cette façon, dâoĂč vient cette parole de lâApĂŽtre, que jâai rapportĂ©e Nous ne voyous maintenant que dans un miroir et en Ă©nigme; mais alors nous verrons face Ă face ». Cette vision nous est rĂ©servĂ©e pour rĂ©compense de notre foi, et saint Jean parle ainsi Lorsquâil paraĂźtra, nous serons semblables Ă lui, parce que nous le verrons tel quâil est ». Il est clair que dans ces passages, par la face de Dieu, on doit entendre sa manifestation, et non cette partie de notre corps que nous appelons ainsi . Câest pourquoi quand on me demande ce que feront les saints dans leur corps spirituel, je ne dis pas ce que je vois, mais ce que je crois, suivant cette parole du psaume Jâai cru, et câest ce qui mâa fait parler ». Je dis donc que câest dans ce corps quâils verront Dieu; mais de savoir sâils le verront par ce corps, comme maintenant nous voyons le soleil, la lune, les Ă©toiles elles autres objets sensibles, ce nâest pas une petite question. Il est dur de dire que les saints ne pourront alors ouvrir et fermer les yeux quand il leur plaira, mais il est encore plus dur de dire que quiconque fermera les yeux ne verra pas Dieu. Si ElisĂ©e, quoique absent de corps, vit son serviteur Giezi qui prenait, se croyant inaperçu, des prĂ©sents de Naaman le Syrien que le ProphĂšte avait guĂ©ri de la lĂšpre , Ă combien plus forte raison les saints verront-ils toutes choses dans ce corps spirituel, non-seulement ayant les yeux fermĂ©s, mais mĂȘme Ă©tant corporellement absents! Ce sera alors le temps de cette perfection dont parle lâApĂŽtre, quand il dit Nous connaissons en partie et en partie nous devinons; mais quand le parfait sera arrivĂ©, le partiel sera aboli ». Pour montrer ensuite par une sorte de comparaison combien cette vie, quelque progrĂšs quâon y fasse dans la vertu, est diffĂ©rente de lâautre Quand jâĂ©tais enfant, dit-il, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant; mais lorsque je suis devenu homme, je me suis dĂ©fait de tout ce qui tenait de lâenfant. Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en Ă©nigme, mais alors nous verrons face Ă face. Je ne connais maintenant quâen partie, mais je connaĂźtrai alors comme je suis connu ». Si donc en cette vie, oĂč la connaissance des plus grands prophĂštes ne mĂ©rite pas plus dâĂȘtre comparĂ©e Ă celle que nous aurons dans la vie future, quâun enfant nâest comparable Ă un homme fait, ElisĂ©e tout absent quâil Ă©tait, vit son serviteur qui prenait des prĂ©sents, dirons-nous que, lorsque le parfait sera arrivĂ© et que le corps corruptible nâappesantira plus lâĂąme, les saints auront besoin pour voir des yeux dont le prophĂšte ElisĂ©e nâeut pas besoin? Voici comment ce ProphĂšte parle Ă Giezi, selon la version des Septante Mon esprit nâallait-il pas avec toi, et ne sais-je pas que Naaman est sorti de son char au-devant de toi et que tu as acceptĂ© de lâargent? ». Ou comme le prĂȘtre JĂ©rĂŽme traduit sur lâhĂ©breu Mon esprit nâĂ©tait-il pas prĂ©sent, quand Naaman est descendu de son char pour aller au-devant de toi ? » Le ProphĂšte dit quâil vit cela avec son esprit, aidĂ© sans doute surnaturellement dâen haut ; Ă combien plus forte raison, les saints recevront. ils cette grĂące du ciel, lorsque Dieu sera tout en tous ! Toutefois les yeux du corps auront aussi leur fonction et seront Ă leur place, et lâesprit sâen servira par le ministĂšre du corps spirituel. Bien que le prophĂšte ElisĂ©e nâait pas eu besoin de ses yeux pour voir son serviteur absent, ce nâest pas Ă dire quâil ne sâen servit point pour voir les objets prĂ©sents, quâil pouvait nĂ©anmoins voir aussi avec son esprit, bien quâil fermĂąt ses yeux, comme il en vit qui Ă©taient loin de lui. Gardons-nous donc de dire que les saints ne verront pas Dieu en lâautre vie les yeux fermĂ©s, puisquâils le verront toujours avec lâesprit. La question est de savoir sâils le verront aussi avec les yeux du corps, quand ils les auront ouverts. Si leurs yeux, tout spirituels quâils seront dans leur corps spirituel, nâont pas plus de vertu que nâen ont les nĂŽtres maintenant, il est certain quâils ne leur serviront point Ă voir Dieu. Ils auront donc une vertu infiniment plus grande, si, par leur moyen, on voit cette nature immatĂ©rielle qui nâest point contenue dans un lieu limitĂ©, mais qui est tout entiĂšre partout. Quoique nous disions en effet que Dieu est au ciel et sur la terre, selon ce quâil dit lui-mĂȘme par le ProphĂšte Je remplis le ciel et le terre »; il ne sâensuit pas quâil ait une partie de lui-mĂȘme dans le ciel et une autre sur la terre mais il est tout entier dans le ciel et tout entier sur la terre, non en divers temps, mais Ă la fois, ce qui est impossible Ă toute nature corporelle. Les yeux des saints auront donc alors une infiniment plus grande vertu, par oĂč je nâentends pas dire quâils auront la vue plus perçante que celle quâon attribue aux aigles ou aux serpents; car ces animaux, quelque clairvoyants quâils soient, ne sauraient voir que des corps, au lieu que les yeux des saints verront mĂȘme des choses incorporelles. Telle Ă©tait peut-ĂȘtre cette vertu qui fut donnĂ©e au saint homme Job, quand il disait Ă Dieu Auparavant je vous entendais, mais Ă cette heure mon oeil vous voit; câest pourquoi je me suis mĂ©prisĂ© moi-mĂȘme; je me suis comme fondu devant vous, et jâai cru que je nâĂ©tais que cendre et que poussiĂšre ». Au reste, ceci se peut trĂšs-bien entendre des yeux de lâesprit dont saint Paul dit Afin quâil Ă©claire les yeux de votre cĆur ». Or, que Dieu se voie de ces yeux-lĂ , câest ce dont ne doute aucun chrĂ©tien qui accepte avec foi cette parole de notre Dieu et maĂźtre Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce quâils verront Dieu ! » mais il reste toujours Ă savoir si on le verra aussi des yeux du corps, et câest ce que nous examinons maintenant. Nous lisons dans lâEvangile Et toute chair verra le salut de Dieu »; or, il nây a aucun inconvĂ©nient Ă entendre ce passage comme sâil y avait Et tout homme verra le Christ de Dieu qui a Ă©tĂ© vu dans un corps, et qui sera vu sous la mĂȘme forme, quand il jugera les vivants et les morts. En effet, que le Christ soit le salut de Dieu, cela se justifie par plusieurs tĂ©moignages de lâEcriture, mais singuliĂšrement par ces paroles du vĂ©nĂ©rable vieillard SimĂ©on, qui, ayant pris JĂ©sus enfant entre ses bras, sâĂ©cria Câest maintenant, Seigneur, que vous pouvez laisser aller en paix votre serviteur, selon votre parole, puisque mes yeux ont vu votre salut ». Quant Ă ce passage de Job, tel quâil se trouve dans les exemplaires hĂ©breux Je verrai Dieu dans ma chair » , il faut croire sans doute que Job prophĂ©tisait ainsi la rĂ©surrection de la chair ; mais il nâa pas dit pourtant Je verrai Dieu par ma chair. Et quand il lâaurait dit, on pourrait lâentendre de JĂ©sus-Christ, qui est Dieu aussi, et quâon verra dans la chair et par le moyen de la chair. Mais maintenant, en lâentendant de Dieu mĂȘme, on peut fort bien lâexpliquer ainsi Je verrai Dieu dans ma chair » câest-Ă -dire, je serai dans ma chair, lorsque je verrai Dieu. De mĂȘme ce que dit lâApĂŽtre Nous verrons face Ă face » ne nous oblige point Ă croire que nous verrons Dieu par cette partie du corps oĂč sont les yeux corporels, lui que nous verrons sans interruption par les yeux de lâesprit. En effet, si lâhomme intĂ©rieur nâavait aussi une face, lâApĂŽtre ne dirait pas Mais nous, contemplant Ă face dĂ©voilĂ©e la gloire du Seigneur, nous sommes transformĂ©s en la mĂȘme image, allant de clartĂ© en clartĂ©, comme par lâesprit du Seigneur ». Nous nâentendons pas autrement ces paroles du psaume Approchez-vous de lui, et vous serez Ă©clairĂ©s, et vos faces ne rougiront point ». Câest par lĂ foi quâon approche de Dieu, et il est certain que la foi appartient au coeur et non au corps. Mais comme nous ignorons jusquâĂ quel degrĂ© de perfection doit ĂȘtre Ă©levĂ© le corps spirituel des bienheureux, car nous parlons dâune chose dont nous nâavons point dâexpĂ©rience et sur laquelle lâEcriture ne se dĂ©clare pas formellement, il faut de toute nĂ©cessitĂ© quâil nous arrive ce quâon lit dans la Sagesse Les pensĂ©es des hommes sont chancelantes, et leur prĂ©voyance est incertaine ». Si cette opinion des philosophes que les objets des sens et de lâesprit sont tellement partagĂ©s que lâon ne saurait voir les choses intelligibles par le corps, ni les corporelles par lâesprit, si cette opinion Ă©tait vraie, assurĂ©ment nous ne pourrions voir Dieu par les yeux dâun corps, mĂȘme spirituel. Mais la saine raison et lâautoritĂ© des ProphĂštes se jouent de ce raisonnement. Qui, en effet, serait assez peu sensĂ© pour dire que Dieu ne connaĂźt pas les choses corporelles? et cependant il nâa point de corps pour les voir. Il y a plus ce que nous avons rapportĂ© dâElisĂ©e ne montre-t-il pas clairement quâon peut voir les choses corporelles par lâesprit, sans avoir besoin du corps? Quand Giezi prit les prĂ©sents de Naaman, le fait se passa corporellement; et cependant le ProphĂšte ne le vit pas avec les yeux du corps, mais par lâesprit. De plus, puisquâil est constant que les corps se voient par lâesprit, pourquoi ne se peut-il pas faire que la vertu dâun corps spirituel soit telle quâon voie mĂȘme un esprit par ce corps? car Dieu est esprit. Dâailleurs, si chacun connaĂźt par un sentiment intĂ©rieur, et non par les yeux du corps, la vie qui lâanime, il nâen est pas de mĂȘme pour la vie de nos semblables nous la voyons par le corps, quoique ce soit une chose invisible. Comment discernons. nous les corps vivants de ceux qui ne le sont pas, sinon parce que nous voyons en mĂȘme temps et les corps et la vie que nous ne saurions voir que par le corps? mais la vie sans le corps se dĂ©robe aux yeux corporels. Câest pourquoi il est possible et fort croyable que dans lâautre vie nous verrons de telle façon les corps du ciel nouveau et de la terre nouvelle que nous y dĂ©couvrirons Dieu prĂ©sent partout, non comme aujourdâhui, oĂč ce quâon peut voir de lui se voit, en quelque sorte, par les choses créées, comme dans un miroir et en Ă©nigme , et dâune façon partielles , et plus par la foi quâautrement, mais comme nous voyons maintenant la vie des hommes qui se prĂ©sentent Ă nos yeux. Nous ne croyons pas quâils vivent; nous le voyons. Alors donc, ou bien les yeux du corps seront tellement perfectionnĂ©s quâon verra Dieu avec leur aide, comme on le voit par lâesprit, supposition difficile ou mĂȘme impossible Ă justifier par aucun tĂ©moignage de lâEcriture, on bien, ce qui est plus aisĂ© Ă comprendre, Dieu nous sera si connu et si sensible que nous le verrons par lâesprit au dedans de nous, dans les autres, dans lui-mĂȘme, dans le ciel nouveau et dans la terre nouvelle, en un mot, dans tout ĂȘtre alors subsistant. Nous le verrons mĂȘme par le corps dans tout corps, de quelque cĂŽtĂ© que nous jetions les yeux. Et nos pensĂ©es aussi deviendront visibles; car alors sâaccomplira ce que dit lâApĂŽtre Ne jugez point avant le temps, jusquâĂ ce que le Seigneur vienne, et quâil porte la lumiĂšre dans les plus Ă©paisses tĂ©nĂšbres, et quâil dĂ©couvre les pensĂ©es des coeurs; et chacun alors recevra de Dieu la louange qui lui est due ». CHAPITRE XXX. DE LâĂTERNELLE FĂLICITĂ DE LA CITĂ DE DIEU ET DU SABBAT ĂTERNEL. Quâelle sera heureuse cette vie oĂč tout mal aura disparu, oĂč aucun bien ne sera cachĂ©, oĂč lâon nâaura quâĂ chanter les louanges de Dieu, qui sera tout en tous ! car que faire autre chose en un sĂ©jour oĂč ne se peuvent rencontrer ni la paresse, ni lâindigence? Le Psalmiste ne veut pas dire autre chose, quand il sâĂ©crie Heureux ceux qui habitent votre maison, Seigneur ! ils vous loueront Ă©ternellement ». Toutes les parties de notre corps, maintenant destinĂ©es Ă certains usages nĂ©cessaires Ă la vie, nâauront point dâautre emploi que de concourir aux louanges de Dieu. Toute cette harmonie du corps humain dont jâai parlĂ© et qui nous est maintenant cachĂ©e, se dĂ©couvrant alors Ă nos yeux avec une infinitĂ© dâautres choses admirables, nous transportera dâune sainte ardeur pour louer hautement le grand Ouvrier. Je nâoserais dĂ©terminer quels seront les mouvements de ces corps spirituels; mais, Ă coup sĂ»r, mouvement, altitude, expression, tout sera dans la convenance, en un lieu oĂč rien que de convenable ne se peut rencontrer. Un autre point assurĂ©, câest que le corps sera incontinent oĂč lâesprit voudra, et que lâesprit ne voudra rien qui soit contraire Ă la dignitĂ© du corps, ni Ă la sienne. LĂ rĂ©gnera la vĂ©ritable gloire, loin de lâerreur et de la flatterie. LĂ le vĂ©ritable honneur, qui ne sera pas plus refusĂ© Ă qui le mĂ©rite que dĂ©fĂ©rĂ© Ă qui ne le mĂ©rite pas, nul indigne nây pouvant prĂ©tendre dans un sĂ©jour oĂč le mĂ©rite seul donne accĂšs. LĂ enfin la vĂ©ritable paix oĂč lâon ne souffrira rien de contraire, ni de soi-mĂȘme, ni des autres. Celui-lĂ mĂȘme qui est lâauteur de la vertu en sera la rĂ©compense, parce quâil nây a rien de meilleur que lui et quâil a promis de se donner Ă tous. Que signifie ce quâil a dit par le prophĂšte Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple », sinon Je serai lâobjet qui remplira tous leurs souhaits ; je serai tout ce que les hommes peuvent honnĂȘtement dĂ©sirer, vie, santĂ©, nourriture, richesses, gloire, honneur, paix, en un mot tous les biens, afin que, comme dit lâApĂŽtre Dieu soit tout en tous ». Celui-lĂ sera la fin de nos dĂ©sirs, quâon verra sans fin, quâon aimera sans dĂ©goĂ»t, quâon louera sans lassitude occupation qui sera commune Ă tous, ainsi que la vie Ă©ternelle. Au reste, il nâest pas possible de savoir quel sera le degrĂ© de gloire proportionnĂ© aux mĂ©rites de chacun. Il nây a point de doute pourtant quâil nây ait en cela beaucoup de diffĂ©rence. Et câest encore un des grands biens rie cette CitĂ©, que lâon nây portera point envie Ă ceux que lâon verra au-dessus de soi, comme maintenant les anges ne sont point envieux de la gloire des archanges. Lâon souhaitera aussi peu de possĂ©der ce quâon nâa pas reçu, quoiquâon soit parfaitement uni Ă celui qui a reçu, que le doigt souhaite dâĂȘtre lâoeil, bien que lâoeil et le doigt entrent dans la structure du mĂȘme corps. Chacun donc y possĂ©dera tellement son don, lâun plus grand, lâautre plus petit, quâil aura en outre le don de nâen point dĂ©sirer de plus grand que le sien. Et il ne faut pas sâimaginer que les bienheureux nâauront point de libre arbitre, sous prĂ©texte quâils ne pourront plus prendre plaisir au pĂ©chĂ© ; ils seront mĂȘme dâautant plus libres quâils seront dĂ©livrĂ©s du plaisir de pĂ©cher pour prendre invariablement plaisir Ă ne pĂ©cher point. Le premier libre arbitre qui fut donnĂ© Ă lâhomme, quand Dieu le crĂ©a droit, consistait Ă pouvoir ne pas cĂ©der au pĂ©chĂ© et aussi Ă pouvoir pĂ©cher. Mais ce libre arbitre supĂ©rieur, quâil doit recevoir Ă la fin, sera dâautant plus puissant quâil ne pourra plus pĂ©cher, privilĂ©ge quâil ne tiendra pas de lui. mĂȘme, mais do la bontĂ© de Dieu. Autre chose est dâĂȘtre Dieu, autre chose est de participer de Dieu. Dieu, par nature, ne peut pĂ©cher; mais celui qui participe de Dieu reçoit seulement de lui la grĂące de ne plus pouvoir pĂ©cher. Or, cet ordre devait ĂȘtre gardĂ© dans le bienfait de Dieu, de donner premiĂšrement Ă lâhomme un libre arbitre par lequel il pĂ»t ne point pĂ©cher, et ensuite de lui en donner un par lequel il ne puisse plus pĂ©cher le premier pour acquĂ©rir le mĂ©rite, le second pour recevoir la rĂ©compense. Or, lâhomme ayant pĂ©chĂ© lorsquâil lâa pu, câest par une grĂące plus abondante quâil est dĂ©livrĂ©, afin dâarriver Ă cette libertĂ© oĂč il ne pourra plus pĂ©cher. De mĂȘme que la premiĂšre immortalitĂ© quâAdam perdit en pĂ©chant consistait Ă pouvoir ne pas mourir, et que la derniĂšre consistera Ă ne pouvoir plus mourir, ainsi la premiĂšre libertĂ© de la volontĂ© consistait Ă pouvoir ne pas pĂ©cher, la derniĂšre consistera Ă ne pouvoir plus pĂ©cher. De la sorte, lâhomme ne pourra pas plus perdre sa vertu que sa fĂ©licitĂ©. Et il nâen sera pourtant pas moins libre car dira-t-on que Dieu nâa point de libre arbitre, sous prĂ©texte quâil ne saurait pĂ©cher? Tous les membres de cette divine CitĂ© auront donc une volontĂ© parfaitement libre, exempte de tout mal, comblĂ©e de tout bien, jouissant des dĂ©lices dâune joie immortelle, sans plus se souvenir de ses fautes ni de ses misĂšres, et sans oublier nĂ©anmoins sa dĂ©livrance, pour nâĂȘtre pas ingrate envers son libĂ©rateur. LâĂąme se souviendra donc de ses maux passĂ©s, mais intellectuellement et sans les ressentir, comme un habile mĂ©decin qui connaĂźt plusieurs maladies par son art, sans les avoir jamais Ă©prouvĂ©es. De mĂȘme quâon peut connaĂźtre les maux de deux maniĂšres, par science ou par expĂ©rience, car un homme de bien connaĂźt les vices autrement quâun libertin, on peut aussi les oublier de deux matiĂšres. Celui qui les a appris par science ne les oublie pas de la mĂȘme maniĂšre que celui qui les a soufferts ; car celui-lĂ les oublie en abdiquant sa connaissance, et celui-ci en dĂ©pouillant sa misĂšre. Câest de cette derniĂšre façon que les saints ne se souviendront plus de leurs maux passĂ©s. Ils seront exempts de tous maux, sans quâil leur en reste le moindre sentiment; et toutefois, par le moyen de la science quâils possĂ©deront au plus haut degrĂ©, ils ne connaĂźtront pas seulement leur misĂšre passĂ©e , mais aussi la misĂšre Ă©ternelle des damnĂ©s. En effet, sâils ne se souvenaient lias dâavoir Ă©tĂ© misĂ©rables, comment, selon le Psalmiste, chanteraient-ils Ă©ternellement les misĂ©ricordes de Dieu ? or, nous savons que cette CitĂ© nâaura pas de plus grande joie que de chanter ce cantique Ă la gloire du Sauveur qui nous a rachetĂ©s par son sang. LĂ cette parole sera accomplie Tenez-vous en repos, et reconnaissez que je suis Dieu » LĂ sera vraiment le grand sabbat qui nâaura point de soir, celui qui est figurĂ© dans la GenĂšse, quand il est dit Dieu se reposa de toutes ses oeuvres le septiĂšme jour, et il le bĂ©nit et le sanctifia, parce quâil sây reposa de tous les ouvrages quâil avait entrepris ». En effet, nous serons nous-mĂȘmes le septiĂšme jour, quand nous serons remplis et comblĂ©s de la bĂ©nĂ©diction et de la sanctification, de Dieu. LĂ nous nous reposerons, et nous reconnaĂźtrons que câest lui qui est Dieu, qualitĂ© souveraine que nous avons voulu usurper, quand nous avons abandonnĂ© Dieu pour Ă©couter cette parole du sĂ©ducteur Vous serez comme des dieux »; dâautant plus aveugles que nous aurions eu cette qualitĂ© en quelque sorte, par anticipation et par grĂące, si nous lui Ă©tions demeurĂ©s fidĂšles au lieu de le quitter . Quâavons-nous fait en le quittant, que mourir misĂ©rablement? Mais alors, rĂ©tablis par sa bontĂ© et remplis dâune grĂące plus abondante, nous nous reposerons Ă©ternellement et nous verrons que câest lui qui est Dieu; car nous serons pleins de lui et il sera tout en tous. Nos bonnes oeuvres mĂȘmes, quand nous les croyons plus Ă lui quâĂ nous, nous sont imputĂ©es pour obtenir ce sabbat; au lieu que, si nous venons Ă nous les attribuer, elles deviennent des oeuvres serviles, puisquâil est dit du sabbat Vous nây ferez aucune oeuvre servile » ; dâoĂč cette parole qui est dans le prophĂšte EzĂ©chiel Je leur ai donnĂ© mes sabbats comme un signe dâalliance entre eux et moi, afin quâils apprissent que je suis le Seigneur qui les sanctifie » . Nous saurons cela parfaitement, quand nous serons parfaitement en repos et que nous verrons parfaitement que câest lui qui est Dieu. Ce sabbat paraĂźtra encore plus clairement, si lâon compte les Ăąges, selon lâEcriture, comme autant de jours, puisquâil se trouve justement le septiĂšme. Le premier Ăąge, comme le premier jour, se compte depuis Adam jusquâau dĂ©luge ; le second, depuis le dĂ©luge jusquâĂ Abraham; et, bien que celui-ci ne comprenne pas une aussi longue durĂ©e que le premier, il comprend autant de gĂ©nĂ©rations, depuis Abraham jusquâĂ JĂ©sus-Christ. LâĂ©vangĂ©liste Matthieu compte trois Ăąges qui comprennent chacun quatre gĂ©nĂ©rations un dâAbraham Ă David, lâautre de David Ă la captivitĂ© de Babylone, le troisiĂšme de cette captivitĂ© Ă la naissance temporelle de JĂ©sus-Christ. VoilĂ donc dĂ©jĂ cinq Ăąges. Le sixiĂšme sâĂ©coule maintenant et ne doit ĂȘtre mesurĂ© par aucun nombre certain de gĂ©nĂ©rations, Ă cause de cette parole du Sauveur Ce nâest pas Ă vous de connaĂźtre les temps dont mon PĂšre sâest rĂ©servĂ© la disposition ». AprĂšs celui-ci, Dieu se reposera comme au septiĂšme jour, lorsquâil nous fera reposer en lui, nous qui serons ce septiĂšme jour. Mais il serait trop long de traiter ici de ces sept Ăąges. Quâil suffise de savoir que le septiĂšme sera notre sabbat, qui nâaura point de soir, mais qui finira par le jour dominical, huitiĂšme jour et jour Ă©ternel, consacrĂ© par la rĂ©surrection de JĂ©sus-Christ et figurant le repos Ă©ternel, non-seulement de lâesprit, mais du corps. Câest lĂ que nous nous reposerons et que nous verrons, que nous verrons et que nous aimerons, que nous aimerons et que nous louerons. VoilĂ ce qui sera Ă la fin sans fin. Et quelle autre fin nous proposons-nous que dâarriver au royaume qui nâa point de fin? Il me semble, en terminant ce grand ouvrage, quâavec lâaide de Dieu je me suis acquittĂ© de ma dette. Que ceux qui trouvent que jâen ai dit trop ou trop peu, me le pardonnent; et que ceux qui pensent que jâen ai dit assez en rendent grĂąces, non Ă moi, mais Ă Dieu avec moi. Ainsi soit-il !
VoreppeLa Roize, enfant terrible de la cité Comme le 5 juillet 1971. Par Marie-Claude BLANCHET - 14 juil. 2020 à 14:47 | mis à jour le 14 juil. 2020 à 14:55 - Temps de lecture :
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There is also the term extras that are used as supporting characters with few roles in the film. This is different from the main actors who have bigger and more roles. Being an actor and an actress must be demanded to have good acting talent, which is in accordance with the theme of the film he is starring in. In certain scenes, the actorâs role can be replaced by a stuntman or a stuntman. The existence of a stuntman is important to replace the actors doing scenes that are difficult and extreme, which are usually found in action action films. Films can also be used to convey certain messages from the filmmaker. Some industries also use film to convey and represent their symbols and culture. Filmmaking is also a form of expression, thoughts, ideas, concepts, feelings and moods of a human being visualized in film. The film itself is mostly a fiction, although some are based on fact true stories or based on a true story. There are also docuLe secret de la citĂ© perduetaries with original and real pictures, or biographical films that tell the story of a character. There are many other popular genre films, ranging from action films, horror films, comedy films, romantic films, fantasy films, thriller films, drama films, science fiction films, crime films, docuLe secret de la citĂ© perduetaries and others. Thatâs a little information about the definition of film or movie. The information was quoted from various sources and references. Hope it can be useful. 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The 19440 World MOVIE inspired many Americans to buy their first television set and then in 1948, the popular radio show Texaco Star Theater made the move and became the first weekly televised Le secret de la citĂ© perdue show, earning host Milton Berle the name ââMr Televisionââ and demonstrating that the medium was a stable, modern form of entertainLe secret de la citĂ© perduet which could attract advertisers. The first national live television broadcast in the US took place on September 4, 1951 when President Harry Trumanâs speech at the Japanese Peace Treaty Conference in San Francisco was transmitted over AT&Tâs transcontinental cable and microwave radio relay system to broadcast stations in local markets. The first national color broadcast the 1954 TournaLe secret de la citĂ© perduet of Roses Parade in the US occurred on January 1, 1954. During the following ten years most network broadcasts, and nearly all local programming, continued to be in black-and-white. A color transition was announced for the Le secret de la citĂ© perdue of 1965, during which over half of all network prime-time programming would be broadcast in color. The first all-color prime-time season came just one year later. In 19402, the last hLe secret de la citĂ© perdueout among daytime network shows converted to color, resulting in the first completely all-color network season. âââ formats and genres âââ See also List of genres § Film and television formats and genres Television shows are more varied than most other forms of media due to the wide Le secret de la citĂ© perdue of formats and genres that can be presented. A show may be fictional as in comedies and dramas, or non-fictional as in docuLe secret de la citĂ© perduetary, news, and reality television. It may be topical as in the case of a local newscast and some made-for-television films, or historical as in the case of many docuLe secret de la citĂ© perduetaries and fictional MOVIE. They could be prLe secret de la citĂ© perduerily instructional or educational, or entertaining as is the case in situation comedy and game shows.[citation needed] A drama program usually features a set of actors playing characters in a historical or contemporary setting. The program follows their lives and adventures. Before the 1980s, shows except for soap opera-type serials typically remained static without story arcs, and the main characters and premise changed little.[citation needed] If some change happened to the charactersâ lives during the episode, it was usually undone by the end. Because of this, the episodes could be broadcast in any order.[citation needed] Since the 1980s, many MOVIE feature progressive change in the plot, the characters, or both. For instance, Hill Street Blues and St. Elsewhere were two of the first American prime time drama television MOVIE to have this kind of dramatic structure,[4][better source needed] while the later MOVIE Babylon 5 further exemplifies such structure in that it had a predetermined story running over its intendevd five-season run.[citvatioââ&n needed] In 2022, it was reported that television was growing into a larger component of major media companiesâ revenues than film.[5] Some also noted the increase in quality of some television programs. In 2022, Academy-Award-winning film director Steven Soderbergh, comLe secret de la citĂ© perdueting on ambiguity and complexity of character and narrative, stated ââI think those qualities are now being seen on television and that people who want to see stories that have those kinds of qualities are watching television. âââ Thanks for everything and have fun watchingâââ Find all the movies that you can stream online, including those that were screened this week. If you are wondering what you can watch on this website, then you should know that it covers genres that include crime, Science, Fi-Fi, action, romance, thriller, Comedy, drama and Anime Movie. Thank you very much. We tell everyone who is happy to receive us as news or information about this yearâs film schedule and how you watch your favorite films. Hopefully we can become the best partner for you in finding recomLe secret de la citĂ© perduedations for your favorite movies. Thatâs all from us, greetings! 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LACITĂ DE DIEU Livre XIe.ORIGINE DES DEUX CITĂS ch. 2 Chapitre 2. PERSONNE NE PEUT ARRIVER A LA CONNAISSANCE DE DIEU QUE PAR JĂSUS-CHRIST HOMME, MĂDIA-TEUR ENTRE DIEU ET LES HOMMES. Câest chose difficile et fort rare, aprĂšs avoir considĂ©rĂ©
Le tourisme dans le viseur Le directeur du chĂąteau de Pau estime que le patrimoine de Lescar est aussi exceptionnel quâĂ Pau », vante lâĂ©dile qui cite le trĂ©sor de la cathĂ©drale ou encore sa mosaĂŻque. Et câest aussi une cathĂ©drale nĂ©cropole, il nây en a que...Le tourisme dans le viseur Le directeur du chĂąteau de Pau estime que le patrimoine de Lescar est aussi exceptionnel quâĂ Pau », vante lâĂ©dile qui cite le trĂ©sor de la cathĂ©drale ou encore sa mosaĂŻque. Et câest aussi une cathĂ©drale nĂ©cropole, il nây en a que six en France ! Les Rois de Navarre y sont enterrĂ©s, dont les grands-parents dâHenri IV. Le gouvernement de Navarre demande rĂ©guliĂšrement leur transfert en Espagne. Mais câest non ! » rigole Christian Laine. Nous avons doublĂ© la frĂ©quentation en quatre-cinq ans, affirme ValĂ©rie Revel, lâadjointe Ă la culture, avec 8 500 visiteurs par an. » De bons chiffres Ă mettre en parallĂšle avec le transfert de la compĂ©tence tourisme Ă lâAgglo. Depuis, Pau valorise sa voisine et vice-versa et a dĂ©veloppĂ© avec lâoffice lescarien des visites guidĂ©es, notamment aux flambeaux lâĂ©tĂ©, qui les grands travaux que Lescar sâapprĂȘte Ă boucler avant lâinauguration de la citĂ© mĂ©diĂ©vale, le 21 novembre, lui donnent un beau coup de cathĂ©drale rendue visibleCâest flagrant sur la façade pyrĂ©nĂ©enne de la cathĂ©drale. Sur la place Royale qui peut dĂ©sormais vraiment revendiquer le nom de place, lâenlĂšvement des stationnements pour Ă©largir la promenade, le pavage qui prĂ©cise lâemplacement dâune chapelle dont lâexistence a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par les fouilles, ou encore la disparition des arbres que certains regrettent sans doute, mais dâautres doivent ĂȘtre plantĂ©s, notamment lâhistorique cĂšdre de la ville laissent prendre du recul pour admirer les pierres roses et jaunes et lâensemble de lâĂ©difice du XIIe siĂšcle. MĂȘme lâamĂ©nagement du parking qui jouxte le cimetiĂšre, se fait discret, derriĂšre des murets, pour ne pas gĂącher la carte postale. Le chĆur de la cathĂ©drale et sa cĂ©lĂšbre mosaĂŻque ont Ă©tĂ© les premiers rĂ©novĂ©s de la citĂ©, en 2008. Ascencion Torrent Le belvĂ©dĂšre avec la vue sur le pic du Midi dâOssau doit, lui, encore retrouver sa vĂ©gĂ©tation. Et surtout, un restaurant dâĂ©tĂ© qui pourrait sây poser au printemps prochain. En attendant, il permet dâadmirer, de lâautre cĂŽtĂ©, lâancienne mairie rĂ©novĂ©e en maison des services publics et municipaux, plutĂŽt cossue. Et dĂ©sormais voisine du refuge des pĂšlerins de Saint-Jacques installĂ© depuis un an en cĆur de chantiers Ă venirMais ça ne sera jamais fini », souffle le maire qui rappelle que tout a commencĂ© en 2008, Ă lâintĂ©rieur de la cathĂ©drale, par le chĆur. Elle Ă©tait grise, triste, abandonnĂ©e », dĂ©crit-il. AprĂšs sa mise en lumiĂšre, sa sonorisation, lâinstallation du chauffage au sol, la rĂ©novation des tableaux du chemin de croix et enfin la mise en valeur du trĂ©sor qui a rouvert il y a un an, deux gros chantiers sont Ă venir le toit dâardoise pour un peu moins dâun million dâeuros et lâorgue Ă dĂ©monter et nettoyer. La deuxiĂšme phase, la valorisation de la citĂ© des rois de Navarre, elle-mĂȘme, nâa dĂ©marrĂ© quâavec un concours dâarchitecte en 2012. Dans le viseur, le palais Ă©piscopal, les voies et la vue sur les PyrĂ©nĂ©es. La citĂ© Ă©tait en train de mourir et les commerces se vidaient, raconte Christian Laine. Il nous fallait un parrain et on a demandĂ© son avis Ă Marc BĂ©lit, qui nous a dit de ne pas rĂ©flĂ©chir en termes de pierres, mais de vie, dâhabitants, de commerces et dâanimations. On est partis sur cette idĂ©e ».DâoĂč cette attention autour du nombre de stationnements qui nâa quasiment pas bougĂ© et reste gratuit avec des disques et bientĂŽt quatre arrĂȘts minute, les circulations inchangĂ©es, ainsi que la place faite Ă la aides financiĂšres importantesUne fois passĂ©e la grande fĂȘte des MystĂšre, les travaux vont reprendre avant le jour J de lâinauguration et de toute une semaine dâanimations autour de la citĂ© mĂ©diĂ©vale, avec des plantations, lâamĂ©nagement devant le musĂ©e et au belvĂ©dĂšre, des crĂ©pis Ă terminer ou encore lâillumination de la partie nord de la tout, prĂšs de 3 millions dâeuros ont Ă©tĂ© investis, mais avec des subventions de lâAgglo, dâAliĂ©nor, du DĂ©partement, de fondations et on attend la RĂ©gion », insiste le maire. Il compare le coĂ»t avec celui du nouveau cimetiĂšre, 2 M⏠que les Lescariens paient en totalitĂ© On se bat pour que Lescar ne paie que 20 % » de la rĂ©novation de la citĂ© rĂ©sultat, lui, est Ă admirer dĂšs ce matin sur place, dans lâambiance de lâĂ©poque. Au pied des remparts, le village mĂ©diĂ©val sâest installĂ© pour le week-end. Les immanquables du week-end Si tout le programme des MystĂšres de la citĂ© sâaffichait dans notre Ă©dition de vendredi, voici une sĂ©lection des rendez-vous Ă ne pas manquer ces deux dâabord, le village mĂ©diĂ©val installĂ© au pied des remparts, avec son marchĂ© Ă partir de 12h, ses campements historiques et sa place des ensuite Ă partir de 14h, lors du salon du livre sur Lux in Tenebris », une exposition interactive qui mĂšne dans un thriller/BD mĂ©diĂ©val armĂ© dâune tablette et dâun casque, on cherche Ă dĂ©masquer le coupable dĂšs 13 ans.Lâincontournable montĂ©e aux flambeaux, sâĂ©lancera Ă 20 h 15 de la place des rĂŽtisseurs costumes fortement recommandĂ©s, avant le spectacle dĂ©ambulatoire dans la citĂ©, Ă partir de 20 h 45, le parcours fĂ©erique Renaissance !Lanceurs de drapeaux et visitesDimanche, câest dĂšs 10h quâon pourra profiter dâanimations sur le village mĂ©diĂ©val et de Lux in Tenebris ». Ă 11h, 14h et 16h, des dĂ©monstrations de joutes Ă©questres sont aussi au 14h Ă 18h, rendez-vous au cĆur de la citĂ©. Dans la cathĂ©drale pour des morceaux autour de lâorgue 14h-17h tandis quâĂ lâextĂ©rieur dĂ©fileront 40 lanceurs de drapeaux de Florence, Ă 14h et 16 h une visite guidĂ©e de la citĂ© et du trĂ©sor, rendez-vous Ă 14 h 30 et 17h devant lâoffice de gratuites. Samedi de 18h30 Ă 00h, se garer au Point vert oĂč des navettes partent toutes les 5-10 minutes vers les remparts.
CITEDU VATICAN, Mercredi 23 juillet 2003 (ZENIT.org) - "Réconfort et joie dans la cité de Dieu", c'est le titre donné par L'Osservatore Romano en langue française du 22 juillet à la catéchÚse de Jean-Paul II en italien du 16 juillet, sur le cantique du livre d'Isaïe (Is 66). Voici la traduction intégrale en français de L'OR.
Au cĆur de la jungle colombienne, la randonnĂ©e qui mĂšne Ă la Ciudad Perdida s'impose de plus en plus comme un incontournable, en AmĂ©rique du Sud. Peu d'endroits sur Terre permettent de voir le turquoise d'une mer tropicale et, dans la mĂȘme matinĂ©e, des neiges Ă©ternelles. La Sierra Nevada de Santa Marta en est un ce massif cĂŽtier dĂ©tachĂ© du reste de la cordillĂšre des Andes, culminant Ă 5775 m d'altitude, plonge dans la mer des CaraĂŻbes. On peut sây offrir la randonnĂ©e la plus cĂ©lĂšbre de Colombie, celle de la Ciudad Perdida. Nul besoin de se mettre les pieds dans la neige, toutefois cette citĂ© prĂ©colombienne du peuple tayrona n'est qu'Ă 1300 m d'altitude. © Shutterstock Mais oubliez tout de suite la tente et les pastilles pour purifier l'eau la balade est fort bien organisĂ©e et on peut trĂšs bien la faire avec un petit sac Ă dos. Il faut impĂ©rativement passer par une des huit agences accrĂ©ditĂ©es de Santa Marta, qui facturent toutes le mĂȘme prix, peu importe si vous voulez faire cet aller-retour de 46 km en 4, 5 ou 6 jours â la durĂ©e la plus courte est amplement suffisante. Les groupes ne dĂ©passent pas 12 randonneurs, et vous n'entendrez personne se plaindre qu'il manque de quoi que ce soit des mules transportent des victuailles jusqu'aux campements â oĂč on dort dans des lits propres et oĂč on prĂ©pare des repas particuliĂšrement copieux. Souvent, au sommet d'une cĂŽte, surprise des fruits fraĂźchement coupĂ©s sont mĂȘme lĂ pour rafraĂźchir le marcheur. Le chemin est bien entretenu, certaines difficultĂ©s ont Ă©tĂ© aplanies et bien des efforts sont dĂ©ployĂ©s pour le rendre grand public », notamment par l'amĂ©nagement de ponts. Le gros luxe, donc, qui a ses bons ou ses mauvais cĂŽtĂ©s selon que vous ĂȘtes plutĂŽt du genre social ou ermite le sentier est trĂšs couru jusqu'Ă 200 personnes se trouvent chaque jour sur ses 23 km, toutes les gĂ©nĂ©rations sont reprĂ©sentĂ©es parmi les marcheurs et de nouveaux campements sont mĂȘme en construction. Il est loin le temps oĂč cette randonnĂ©e Ă©tait rendue impossible par la prĂ©sence de guĂ©rilleros dans la montagne en dĂ©couvrant la paix, la Colombie s'est aussi ouverte au tourisme de masse. Toutefois, le parcours prĂ©sente suffisamment de sections difficiles pour fatiguer jusqu'aux randonneurs aguerris quelques montĂ©es ardues, des cours d'eau Ă traverser Ă guĂ© et une chaleur lourde, ce qui peut devenir trĂšs compliquĂ© Ă gĂ©rer en saison des pluies d'avril Ă novembre. Les journĂ©es de marche sont longues et en soirĂ©e, les moustiques peuvent aussi devenir un facteur d'Ă©puisement⊠psychologique! Mais la splendeur de la nature traversĂ©e est le meilleur des rĂ©conforts perroquets et gigantesques araignĂ©es foisonnent dans cette forĂȘt luxuriante traversĂ©e par d'impĂ©tueux torrents aux eaux cristallines. En pays tayrona © Shutterstock L'aventure commence Ă 8 heures du matin, dans la vieille ville de Santa Marta. Chaque participant est recueilli Ă la porte de son hĂŽtel par un 4X4. Il faut prĂšs de deux heures pour rejoindre le point de dĂ©part du trek, le village d'El Mamey, par une piste dĂ©foncĂ©e qui grimpe dans la montagne. LĂ -bas, on fait connaissance avec notre guide Gabo, fier reprĂ©sentant de l'ethnie kogi â une des quatre qui descendent directement des Tayronas, le groupe prĂ©colombien de la rĂ©gion. Il est accompagnĂ© d'un traducteur et d'un cuisinier. Homme de l'ombre, c'est ce dernier qui a le plus de travail dĂšs qu'il a fini de faire la vaisselle, il repart avant le groupe afin que le repas soit prĂȘt lorsque nous arrivons Ă l'arrĂȘt suivant. Le premier aprĂšs-midi de marche se fait sous un soleil de plomb, sur un chemin Ă pic que les motos des villageois parviennent Ă gravir on ne sait comment. Les vues imprenables sur les montagnes alentour sont nombreuses, et des commerces de fortune ont investi ces belvĂ©dĂšres boissons fraĂźches, oranges pressĂ©es, grains de cacao⊠Le sentier est une vĂ©ritable aubaine Ă©conomique pour la rĂ©gion. Le premier campement, oĂč on peut se rafraĂźchir en plongeant dans une piscine naturelle, a mĂȘme donnĂ© naissance Ă un petit village, de part et d'autre d'une riviĂšre franchie par un pont de singe. © Shutterstock C'est le deuxiĂšme jour qu'on s'enfonce plus profondĂ©ment dans la jungle. On croise de plus en plus d'Autochtones, issus des ethnies kogi et wiwa, tout de blanc vĂȘtus. Nous sommes sur leur territoire, et ils permettent aux visiteurs de n'emprunter que ce sentier, malgrĂ© des nĂ©gociations menĂ©es par les acteurs du secteur touristique pour le transformer en une boucle. Selon Gabo, nous sommes pour eux des petits frĂšres » matĂ©rialistes alors qu'eux, grands frĂšres », se sont vu confier le rĂŽle de protĂ©ger la forĂȘt. L'innocence de l'enfance est une valeur sacrĂ©e chez les descendants des Tayronas. Ainsi, les jeunes ignorent tout de la conception jusqu'Ă l'Ăąge de 18 ans, lorsque le chef spirituel, le mamo, les rencontre un Ă un pour leur expliquer les choses de la vie â Ă commencer par la sexualitĂ©. Avant cela, leurs parents jouent le jeu en vivant dans des maisons sĂ©parĂ©es et en se prĂ©sentant comme de simples amis. Le jeune homme nouvellement initiĂ© reçoit un poporo, curieux rĂ©cipient dans lequel la coca est mĂ©langĂ©e avec des coquillages broyĂ©s. Il y trempe un bĂąton pour consommer la coca puis dessiner sur le goulot, sur lequel une impressionnante accumulation de calcaire se forme avec le temps. La femme se consacre au tissage, grĂące Ă la fibre du maguey, variĂ©tĂ© locale d'agave. On peut observer cette vie au village de Wiwa, Ă mi-parcours, Ă©galement trĂšs apprĂ©ciable pour sa magnifique et puissante cascade. Des escaliers et des plates-formes perdus dans la jungle © Shutterstock Depuis que des touristes ont Ă©tĂ© pris en otage par la guĂ©rilla de l'ELN en 2003, seuls des militaires dorment dans la Ciudad Perdida. La deuxiĂšme Ă©tape environ 8 heures de marche se conclut donc au campement El Paraiso, situĂ© tout prĂšs du site historique. On peut y constater la popularitĂ© de la randonnĂ©e une cinquantaine de voyageurs y roupillent. Le troisiĂšme jour, Gabo nous fait lever trĂšs tĂŽt Ă 4 h 30 car il veut que nous soyons les premiers Ă quitter le campement. AprĂšs avoir traversĂ© une riviĂšre Ă l'aide d'une corde commence le moment fort de l'expĂ©dition le fameux escalier de la Ciudad Perdida, une construction digne des aventures de Tintin. Pas moins de 1200 marches de pierre fendent la jungle et l'aube, semblant nous emmener vers le ciel. Certains membres du groupe souffrent, mais personne ne regrettera l'effort nous voici Ă l'entrĂ©e de la fameuse citĂ© perdue, un impressionnant complexe de plateformes dont 216 ont Ă©tĂ© mises Ă jour. Elles ont Ă©tĂ© construites entre les annĂ©es 1200 et 1600, puis abandonnĂ©es lors de la conquĂȘte espagnole, mais recouvrent elles-mĂȘmes d'autres plateformes, les plus vieilles datant de l'an 650. Des maisons bĂąties par-dessus abritaient autour de 2000 personnes Ă lâapogĂ©e de la citĂ©. Aujourd'hui ne restent dans la Ciudad Perdida que les deux habitations du mamo et de sa femme. Il s'agit d'un lieu sacrĂ© pour les Kogis et les Wiwas, qui le nomment Teyuna. Gabo nous impose un rituel avant d'y pĂ©nĂ©trer il faut entrer en file indienne dans un cercle de pierres, donner une feuille de coca en offrande et se libĂ©rer des mauvaises pensĂ©es⊠puis on passe d'une plateforme Ă l'autre vers le sommet. Quel bonheur d'ĂȘtre les premiers arrivĂ©s et de profiter de la quiĂ©tude et de la majestĂ© des lieux, dont les vieilles pierres dĂ©gagent cette Ă©trange force propre aux constructions qui ont dĂ©fiĂ© le temps. Ă vrai dire, il y a peu de choses Ă voir dans la Ciudad Perdida, si ce n'est la beautĂ© du site et des montagnes environnantes. On n'y reste donc guĂšre plus de deux heures dĂ©jĂ , il faut redescendre l'escalier dont la difficultĂ© est maintenant due au vertige que ses marches glissantes peuvent provoquer. Un repas au campement El Paraiso, et dĂ©jĂ il faut entreprendre le chemin du retour. © Shutterstock On dort au village de Wiwa, et l'on finit la descente le lendemain l'arrivĂ©e Ă El Mamey se fait aux alentours de midi. Dans le 4X4 qui nous ramĂšne Ă Santa Marta, on n'admire dĂ©jĂ plus du tout le paysage, mais le corps souffre Ă chaque cahot sur la piste dĂ©foncĂ©e il s'est passĂ© beaucoup de choses, en quatre jours. OĂč? Le dĂ©part se fait de Santa Marta, station balnĂ©aire festive de la mer des CaraĂŻbes, dans le nord de la Colombie. Son aĂ©roport la connecte aux principales villes du pays. Les vols intĂ©rieurs sont bon marchĂ© autour de 50 $ pour Bogota ou MedellĂn et de nombreux touristes les prĂ©fĂšrent au bus, qui met 15 Ă 20 heures pour franchir les mĂȘmes distances. Santa Marta est Ă 4 heures de bus de Cartagena, ville coloniale la plus visitĂ©e, sur la cĂŽte colombienne. Quand? Pas de souci d'agenda il y a des dĂ©parts tous les jours de l'annĂ©e! On recommande tout de mĂȘme la saison sĂšche, de dĂ©cembre Ă mars. Avec qui? Difficile de faire un choix entre les agences, qui font toutes la mĂȘme description de la randonnĂ©e sur leur site web. On a choisi Baquianos, lâune des plus vieilles elle existe depuis 1977, surtout parce qu'elle dispose de quelques guides indigĂšnes. Ceci dit, des Autochtones ont fondĂ© leur propre agence, Wiwa Tours, dont les profits sont reversĂ©s dans les communautĂ©s. La plus grosse agence, Expotur, dispose aussi d'une solide rĂ©putation. Combien? 950 000 pesos colombiens par personne, soit 400 $.
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La Cite de la peur Photos Movie Info A killer copies a movie villain's modus operandi at the Cannes Film Festival, attended by the star Dominique Farrugia, his publicist Chantal Lauby and an inept bodyguard Alain Chabat. Genre Comedy, Drama Original Language French France Director Producer Writer Runtime 1h 33m Cast & Crew Critic Reviews for La Cite de la peur There are no critic reviews yet for La Cite de la peur. Keep checking Rotten Tomatoes for updates! Audience Reviews for La Cite de la peur There are no featured reviews for La Cite de la peur because the movie has not released yet . See Movies in Theaters
Eneffet, lâOrdre de Favonius partit combattre les monstres de Khaenriâah, et un dragon du nom de Durin sâattaqua alors Ă une citĂ© sans dĂ©fense. Heureusement, Dvalin sâinterposa et vainquit lâassaillant, non sans mal. Il plongea ensuite dans un sommeil profond dans lâAncienne Mondstadt pour rĂ©cupĂ©rer de ce combat.
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Nos abonnĂ©s trouveront Ă©galement un Dossier entiĂšrement consacrĂ© Ă notre ami Roger CorrĂ©ard qui accorda, lui, sa vie entiĂšre Ă localiser prĂ©cisĂ©ment la mythique CitĂ© de Provence. Par delĂ lâespace et le temps, tous ses amis lui adressent ici aujourdâhui un dernier adieu prompt Ă lui faire chevaucher avec amour les nuages. K2Mars â Dossier prĂ©parĂ© par Thierry E. Garnier, Patrick Berlier, Guy Tarade & Alain Le Kern. â Mai 2020. THĂOPOLIS â La CitĂ© de Dieu SAINT-GENIEZ DE DROMON Celui qui force le barrage dâEntrepierres, de la Pierre Ăcrite et de Cardea a enfin accĂšs au domaine. A-t-il, pour autant, son billet pour ThĂ©opolis ? En poursuivant son cheminement au-delĂ du plateau de Chardavon, il monte et aboutit au village de Saint-Geniez de Dromon. SituĂ© sur une zone protĂ©gĂ©e par une ceinture montagneuse, il semble le centre du domaine de Dardanus, bien que cela reste Ă prouver. Le Riou de Jabron lâarrose quand il pleut. Ce torrent ne joue les cabris, comme son nom le laisse entendre, quâen aval de la Pierre Ăcrite. Arriver jusque ici câest sentir ce que peut signifier lâexpression bout du monde ». Les quelques maisons qui composent le village respirent une joie de vivre et une paix profonde. Des enfants jouent, insouciants, dans une aire encore protĂ©gĂ©e. Actuellement, la route crĂ©e une communication avec Sisteron, la Durance et le reste de la civilisation. Au temps de Dardanus, il nây avait que des champs, lâĂąpre flanc aride du TraĂźnon, dĂ©sert de rocailles, et une voie⊠Quels vestiges le prĂ©fet des Gaules a-t-il pu laisser sur ce plateau Ă vocation agricole ? Toutes les traces Ă©crites remontent Ă lâĂ©poque mĂ©diĂ©vale. AprĂšs le dĂ©part ou la mort de Dardanus, le domaine, oubliĂ© de tous, est retombĂ© dans lâindiffĂ©rence pendant plusieurs siĂšcles. Dans lâactuelle commune de Saint-Geniez de Dromon, il y a deux Ă©glises consacrĂ©es Ă la Vierge et deux magnifiques statues en albĂątre local. Dans le village mĂȘme, voici lâĂ©glise de Notre-Dame des Groseilles, car elle dĂ©pendait du monastĂšre du Groseau, prĂšs de MalaucĂšne qui, lui-mĂȘme, appartenait Ă lâabbaye de Saint-Victor de Marseille. La deuxiĂšme Ă©glise est celle de Notre-Dame du Dromon, au pied du fameux rocher de Dromon. Pourquoi la Vierge est-elle rĂ©vĂ©rĂ©e de façon aussi ostentatoire ? Ajoutons la fondation, aujourdâhui ruinĂ©e et non localisĂ©e du terroir de Chardavon, elle aussi placĂ©e sous la sauvegarde de Notre-Dame. Ces trois implantations apparaissent dans les textes du XIe siĂšcle. Elles impliquent donc un peuplement beaucoup plus dense quâaujourdâhui. Notre-Dame de Grosel offre un toponyme en relation, semble-t-il, avec les eaux salĂ©es. Certains chercheurs ont Ă©mis lâhypothĂšse que le lieu mĂȘme oĂč se situe cette Ă©glise fut le site dâun culte au dieu Mithra, trĂšs populaire parmi lâarmĂ©e romaine â Dardanus fut gĂ©nĂ©ral. Il sâagit dâune religion Ă mystĂšres, se dĂ©roulant dans des cryptes, avec communion et baptĂȘme dans le sang. Des chapiteaux avec personnage portant le bonnet phrygien sont apportĂ©s comme preuve. Le lieu suscite le mystĂšre. Il est tentant dâen rajouter quelque peu pour accroĂźtre lâintĂ©rĂȘt⊠Pourquoi Dardanus aurait-il appartenu Ă cette religion, alors quâau temps de son mandat, le christianisme Ă©tait devenu religion dâĂ©tat et quâil avait des liens Ă©pistolaires avec deux pĂšres de lâĂglise ? Aucune trace archĂ©ologique ne vient Ă©tayer cette supputation. Le sol, aride et soumis Ă une Ă©rosion intense, refuse de livrer ses secrets⊠Et la quĂȘte de la villa de Dardanus tourne au jeu de piste. En fait, il y a une lacune historique, qui laisse le champ libre Ă de multiples interprĂ©tations, entre le Ve siĂšcle, date Ă laquelle Dardanus sâinstalle, et le XIe siĂšcle oĂč sont mentionnĂ©s trois lieux de culte diffĂ©rents sur le territoire qui semble correspondre Ă son domaine. Lâhistoire met, avec facilitĂ©, cette Ă©clipse sur le compte des invasions barbares. LâarchĂ©ologie est muette. En ces moments de troubles, on construit peu et la discrĂ©tion reste de mise. Du siĂšcle de Dardanus, il ne reste ⊠Myriam Philibert â ThĂ©opolis â La CitĂ© de Dieu » extrait // Les Chroniques de Mars » © â mai 2020 â NumĂ©ro spĂ©cial ThĂ©opolis. THĂOPOLIS â NUMĂRO SPĂCIAL â MAI 2020 Thierry E. GARNIER â Roger CorrĂ©ard â LâArchiviste de THĂOPOLIS » Guy TARADE â Ă mon ami Roger CorrĂ©ard Patrick BERLIER â â Je te garderai toujours une place dans mon cĆur » Alain LE KERN â Roger CorrĂ©ard â Le gardien de ThĂ©opolis Thierry E. GARNIER â Les Veilleurs de THĂOPOLIS » Guy TARADE â THĂOPOLIS â Documents dâArchives â AnnĂ©es 1970-1980 Roger CORRĂARD â THĂOPOLIS â GĂźte secret du lion » 1 â LâApocalypse Roger CORRĂARD â THĂOPOLIS â GĂźte secret du LION » 2 â Lâincroyable histoire du Zeppelin L 45 Patrick BERLIER â ThĂ©opolis â Un jardin dâEden perdu en Provence Georges A. D. MARTIN â CĂ©lĂ©bration pour un parfait augure Myriam PHILIBERT â ThĂ©opolis â La citĂ© de Dieu » 1 â Chardavon Myriam PHILIBERT â ThĂ©opolis â La citĂ© de Dieu » 2 THESAVRVS // Agneau â Air â Alpha â Alphabet grec â Alphabet romain â Ăne â Ange â AnnĂ©e solaire â Anthropologie â Apocalypse â Argent â Art poĂ©tique â Astronomie â Berger â Bible â Boaz â BĆuf â Carl-Gustav Jung â CarrĂ© â Cartographie cĂ©leste â CĂšne â Cercle â Chiffres â Christ â CĆur â Couleurs â Coupe Coutumes â Croix â Cromlech â Cycle lunaire â DĂ©sert â Divinations â Dolmen â Dragon â Eau â Etrusques â Feu â Figures â Formes â Gestes â Graal â HĂ©breux â Histoire â Jakin â Lion â Mains â MĂ©galithes â Menhir â MĂšre â Miel â Montagne â Myrrhe â Mythes â Mythes fondateurs â Nature des symboles â Nombres â Nombres â Omega â Or â Pain â Paradis â PhĂ©nicien â Poissons â Pythagore â Pythagorisme â Religions â RĂȘves â Runes â Sang â Sel â Serpent â Signes â Soleil â Souffle â Sumbolon â Symboles â Symboles chrĂ©tiens primitifs â Symboles dans la Bible â Symbolisme â Taureau â Temple â Terre â Tradition â Triangle â Veilleur â Vin â ZoĂ© // Thierry Emmanuel Garnier client2020-05-26T164122+0200 Textes & photos © Arqa ed. // Sur le Web ou en version papier tous les articles prĂ©sentĂ©s ici sont soumis aux rĂšgles et usages lĂ©gaux concernant le droit de reproduction de la propriĂ©tĂ© intellectuelle et sont soumis pour duplication Ă lâaccord prĂ©alable du site des Ă©ditions Arqa, pour les textes, comme pour les documents iconographiques prĂ©sentĂ©s.
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la cité de la peur torrent